J’ai souvent été intriguée par ce petit bout de femme au regard malicieux et à la mine faussement boudeuse (car oui elle sourit facilement !). Aussi, lorsqu’on m’a proposé de la rencontrer, je n’ai pas hésité. Le Rdv est donc pris à l’hôtel Amour, non loin de Montmartre, un quartier que la comédienne affectionne beaucoup. Ponctuelle, elle passe la porte en me cherchant discrètement du regard, elle s’approche, s’installe, commande un Perrier... et nous pouvons commencer. Sa simplicité et sa beauté naturelle ne laissent pas indifférent. Je découvre très vite une jeune femme bien dans son époque, pétillante et pleine d’humour. Ce que je savais d’elle ? Peu de choses en somme, à l’exception de son parcours professionnel. Discrète, celle qui partage la vie du chanteur Raphaël depuis quinze ans, cultive à la perfection le « pour vivre heureux, vivons cachés »... Profondément timide, pudique et passionnée, la comédienne, au parcours atypique, n’en est pas moins intransigeante sur ses choix qu’elle assume parfaitement...
Mélanie Thierry, lumineuse et hypersensible
Pour commencer, parlez-nous de votre actualité.
Je viens de terminer le film d’Albert Dupontel qui sort en septembre et qui est l’adaptation du roman de Pierre Lemaitre Au revoir là-haut. C’est un film choral et ce n’est qu’une participation que j’ai acceptée car j’aime beaucoup l’univers de Dupontel, j’adore l’homme et c’est un cinéma qui m’intéresse. J’avais d’ailleurs trouvé le livre épatant. C’est un thriller captivant qui se déroule juste après la Première Guerre mondiale. La distribution est, elle aussi, formidable : Niels Arestrup, Laurent Lafitte, Émilie Dequenne, Albert Dupontel. C’est un film que j’aime beaucoup. Il a une dimension populaire et spectaculaire ; il a, à la fois, quelque chose d’émouvant et de grand spectacle.
J’ai également achevé La Douleur de Marguerite Duras et réalisé par Emmanuel Finkiel. J’y interprète Marguerite. C’est un film qui retrace les carnets intimes qu’elle a écrit pendant la guerre, après avoir perdu son mari déporté dans les camps allemands, et la longue attente jusqu’à son retour. C’est, je pense, un des plus beaux rôles que l’on m’ait donnés.
On vous dit mystérieuse, est-ce quelque chose que vous cultivez ?
Je dirais plutôt que je suis quelqu’un de foncièrement timide et réservée. Prendre la parole en public me fait paniquer. Il me faut du temps pour me sentir à l’aise avec les gens. Cependant, je peux comprendre que cela puisse se traduire par une impression de mystère cultivé, voire de froideur et de distance, mais ce n’est pas le cas.
Beaucoup de gens ont de vous l’image d’une « femme-enfant ». Cela vous agace-t-il ?
Je ne dirais pas que cela m’agace, mais je trouve dommage que les gens en soient encore là, car il me semble avoir laissé cette image loin derrière moi. Je pense qu’il peut y avoir une légitimité à être une « femme-enfant » jusqu’à 25 ans, mais au-delà cela me semble ridicule, non ?
Vous intéressez-vous à l’actualité ? Et quel regard portez-vous sur le monde ?
Oui, par la force des choses lorsqu’on vit dans une grande ville et plus encore dans une ville telle que Paris, on est obligé de s’intéresser à l’actualité. Mais dès que je le peux, je m’extirpe de tout cela, laissant la batterie de mon téléphone se décharger. Quant à mon regard sur le monde d’aujourd’hui, je dirais : optimiste et positif.
Qu’est-ce que le succès à changé dans votre vie ?
Pas grand chose dans le fond. Hormis d’avoir la chance de faire un métier que j’aime, comme je l’aime et avec des gens que j’aime. Mais, à l’exception de Quasimodo del Paris, je n’ai pas non plus vraiment fait de film ayant eu un énorme succès populaire…
Et la maternité ?
Cela change tout… Votre façon de voir et d’appréhender les choses. Et surtout vous n’êtes plus seule !
Pensez-vous être une actrice qui prend des risques ?
Je ne sais pas si je prends des risques dans les choix des films ou des pièces dans lesquels je joue, mais j’aime camper des personnages très différents et être une femme très glamour aujourd’hui et demain autre chose pour un autre rôle…
Quels genres de personnages manquent à votre palette ?
Je ne pense pas que ce soit une question de genre de personnage. Ce que j’aime, c’est camper des personnages glamour et insaisissables, mais aussi devenir un petit animal sauvage lorsqu’il s’agit de jouer une jeune détenue en centrale. Et puis ce rôle qui m’est si cher, celui de Marguerite, jeune militante, engagée, jeune résistante, jeune écrivaine, à l’aube de trouver son nom, Duras. Les personnages, j’en suis certaine, n’arrivent jamais par hasard. Ils font toujours écho avec notre présent. De plus, j’ai toujours ce besoin d’être surprise, cueillie par une histoire, un personnage, une rencontre.
Ressentez-vous une sorte de fragilité dans le métier de comédienne ?
Oui, évidemment. En tant que comédien, nous sommes dans un état de fragilité permanent. Fragile lorsque l’on tourne, fragile lorsque l’on attend. Fragile lorsque le film est livré au public. Il faut savoir faire avec !
Quels films ont changé votre vie ?
Je ne suis venue au cinéma que très tard, je n’ai pas eu cette éducation-là. Mais sans doute n’aurais-je pas été réceptive à cette époque à, par exemple, un Charlie Chaplin qui aujourd’hui m’émeut beaucoup et que j’ai d’ailleurs plaisir à partager avec mes enfants. Frances avec Jessica Lange est également un film qui m’a bouleversée. Sans oublier le cinéma de John Cassavetes qui fut également une grande révélation pour moi… Gloria, Love Streams… que des films sublimes.
Et si c’était à refaire ?
Sans hésiter, je referais tout à l’identique.
Cinéma ou théâtre, si vous deviez choisir ?
Pourquoi faudrait-il choisir ? J’aime les deux. Le contact du public au théâtre provoque une adrénaline incroyable. Le cinéma est peut-être moins vampirisant, quoique, certains rôles sont difficiles à quitter.
Votre plaisir simple ?
Manger, partager, organiser des dîners entre amis, rire, écouter de la musique, regarder les enfants jouer dans le jardin… Voilà !
Quelles sont vos peurs ?
Je n’en ai pas, je veux être optimiste et avoir confiance en l’avenir !
Quelle est votre vision de la parisienne ?
Ah la parisienne ! ! ! La femme que tous nous envient et admirent. La parisienne selon moi est glamour mais pas trop, élégante, elle a du style et une allure unique, jamais trop maquillée et souvent coiffée-décoiffée. On la reconnaît où qu’elle soit.
Photographe : Matias Indjic
Stylisme : Marco Manni
Interview : Carole Schmitz
Marques :
ANNELISE MICHELSON : bague bondage
BOTTEGA VENETA : robe en velours, bracelet en argent
EDEN PARK : veste et pantalon noir
GUCCI : robe, escarpins
INTIMISSIMI : soutien-gorge
LANVIN : robe
VALENTINO : trench
VERSACE : robe longue