L’homme Albert Uderzo, au tableau !

Culture

L’homme Albert Uderzo, au tableau !

Si c'est la bande dessinée qui a fait du dessinateur Albert Uderzo une célébrité, il n'en reste pas moins un homme comme tout le monde. Et c'est à l'homme et non au créateur d'Astérix et Obélix que l'on a décidé de s'intéresser.

Du 27 mai au 31 octobre 2021, le musée Maillol avait décidé de rendre hommage au dessinateur et créateur d’Astérix et Obélix, Monsieur Albert Uderzo. L’équipe d’Apollo Magazine était sur place dans les derniers jours de cette exposition intitulée « Uderzo, comme une potion magique » et a pu saisir toute l’essence de ce génie du dessin. Si l’homme ne rejoint pas toujours l’artiste, le connaître vous permettra d’apprécier à sa juste valeur son oeuvre.

Qui est Albert Uderzo ? Quelles sont les rencontres qui ont fait de ce fils d’immigrés italiens le géniteur du duo gaulois le plus célèbre du monde ?

L’homme Albert Uderzo, au tableau ! - Blanche-Neige et les 7 nains dessinés par le jeune Albert Uderzo - Blanche-Neige et les 7 nains dessinés par le jeune Albert Uderzo

Le dessin

C’est à Fismes, près de Reims, que le 25 avril 1927 naît le petit Alberto sous le signe de différences notables. Hormis un prénom, qu’il a hérité d’un frère mort prématurément, il possède 6 doigts à chaque main et s’avère être daltonien. Si l’excroissance de chair sera immédiatement retirée par les médecins, sa perception des couleurs sera déformée à vie.

Néanmoins, pas question pour le jeune garçon de s’apitoyer sur son sort, qui s’avérera être gentil et non mauvais. Ainsi, c’est à l’école que l’on s’aperçoit pour la première fois que ce sont bien de bonnes fées qui s’étaient posées sur son berceau. Alors que sa maîtresse demande à la classe d’illustrer une fable de La Fontaine, son dessin le mènera jusqu’au bureau du directeur…non pas pour une remontrance quelconque mais bien pour des félicitations en bonne et due forme. Dans les années 30, une telle performance représente une sorte d’adoubement.

En 1934, le Journal de Mickey paraît en France et cela devient évident pour Albert, il sera dessinateur à la manière de Walt Disney.

Beside Sport - L’homme Albert Uderzo, au tableau ! - Couvertures du magazine Pilote -

Couvertures du magazine Pilote

La presse

Pendant la guerre, Albert a 14 ans et est embauché comme « grouillot » par la Société parisienne d’édition (SPE), qui publie entre autres Bibi FricotinFilletteJunior ou encore Les Pieds nickelés. Engagé pour quelques semaines, il reste finalement un an à la SPE et y apprend les bases du métier : le lettrage, le calibrage d’un texte, la retouche d’image,…

En 1945, Albert retourne à Paris suite à son passage en « Bretagne profonde » (tiens, tiens) en compagnie de son frère. Il est alors difficile de trouver une place en tant que dessinateur et malgré ses quelques contacts. Le métier de chauffeur de camion lui tend les bras mais à quelques jours du grand départ, Albert se présente, carton à dessin sous le bras, au siège de France-Dimanche, et il est engagé. Au sein de l’hebdomadaire à sensation, il devient dessinateur de presse et a pour objectif de dessiner ce que personne n’a vu ou pu photographier : un vol, un meurtre, un enlèvement,…

Ensuite, il travaillera pour l’hebdomadaire OK pour lequel il crée une série de héros à la musculature surdéveloppée, qui évoluent dans un Moyen Âge de fantaisie : d’abord le personnage d’Arys Buck, puis de son fils le prince Rollin. Son style s’éloigne alors de Disney pour se rapprocher de celui, bien connu aujourd’hui, des « Comics »  venus des Etats-Unis. Les planches originales le démontrent : c’est la naissance d’un dessinateur à deux mains qui apparaît à l’époque, aussi inspiré dans le dessin d’humour que dans le semi-réalisme.

Après de passages plus ou moins fructueux dans des journaux en Belgique au sein de la Wallonie, Libre-Belgique ou la Libre Junior, il participera au lancement du magazine Pilote en 1959. L’opportunité est trop belle de pouvoir concurrencer les géants de la bande dessinée pour la jeunesse, à savoir Mickey, Spirou et Tintin. Et celui-ci ne se manquera pas, accompagné de son fidèle René Goscinny.

« Ils ont tous les deux un rêve en tête, le même : "celui de faire rire et sourire les planètes du système solaire" »

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René Goscinny

A l’automne 1951, Georges Troisfontaines, propriétaire de l’Agence World Press, évoque la possibilité qu’un nouveau dessinateur rejoigne l’équipe au 34, avenue des Champs-Elysées. Un ami qu’il a rencontré à New York, et dont le nom se termine en « i ». Peut-être un autre dessinateur d’origine italienne, imagine Albert. En réalité, ce sera un « y » et l’origine sera polonaise.

Immédiatement l’alchimie est au rendez-vous entre René et Albert du fait de leur timidité respective, de leurs histoires différentes, ou encore de leurs passions communes pour Walt Disney, Laurel et Hardy et la bande dessinée. Le dessinateur qualifie cette rencontre de « primordiale et décisive » pour lui. Goscinny expliquera : « Ça a été une sorte de coup de foudre mutuel. On a parlé des heures. Nous avons décidé de travailler ensemble ».

Beside Sport - L’homme Albert Uderzo, au tableau ! - Albert et Ada -

Albert et Ada

Ada

A 25 ans, Albert Uderzo a des airs de James Dean et rêve de rejoindre son tout nouvel ami René Goscinny à New York afin de développer un projet de journal de télévision. Néanmoins, un évènement va l’éloigner pour longtemps de Manhattan. Le soir du 14 juillet 1952 il rencontre une jeune beauté italienne d’une vingtaine d’années du nom d’Ada Milani. Entre Albert et Ada Uderzo mariés en 1953 et de leur union naîtra Sylvie Uderzo à Enghien-les-Bains 4 ans plus tard.

Entre-eux, il y a un amour que seule la mort peut détruire. Ainsi, le dessinateur travaillera toute sa vie à la maison de 8h à 21h, refusant de s’installer dans des ateliers dédiés.

« Il ne voulait pas me quitter. Si je partais faire des courses, quand je revenais, il était paniqué. Mais tu étais où ? Et pourtant je l’avais prévenu. Quand il m’est arrivé d’avoir des problèmes de santé, il était tout le temps avec moi ».

Toute sa vie, Albert Uderzo a sollicité l’avis de sa femme, qui a toujours trouvé son travail artistique « magnifique » et n’a jamais ressenti le besoin de « corriger » quoi que ce soit. Et si, pour lui témoigner son amour et sa reconnaissance, le défunt dessinateur l’avait croquée en Falbala, la belle blonde du village gaulois qui fait tourner les têtes ? Si Ada Uderzo n’a jamais confirmé cette information, sa fille n’a pas la même retenue et confirme : « Elle ne vous le dira pas. Mais oui, c’est elle, Falbala. Elle a son regard, son nez, sa bouche..

Beside Sport - L’homme Albert Uderzo, au tableau ! - La première planche d'Astérix le Gaulois -

La première planche d'Astérix le Gaulois

Astérix et Obélix

Le 29 octobre 1959, le numéro 1 de Pilote sort dans l’urgence. Ainsi, tous les dessinateurs et scénaristes sont mis à contribution : Charlier et Uderzo proposent « Michel Tanguy », Goscinny et Sempé « Les aventures du Petit Nicolas' » et Uderzo et Goscinny placent en page 20 la première planche d’une série au graphisme iconoclaste : « Astérix le Gaulois« .

C’est chez Albert, à Bobigny, dans un petit immeuble donnant sur les champs et le vaste cimetière de Pantin, que les fées (à nouveau celles-ci) du 9ème art ont donc participé au plus célèbre Brainstorming de la BD, par une chaude après-midi de juillet 1959. En moins de 15 minutes, René et Albert vont jeter les bases de la saga que tout le monde connaît. René Goscinny et Albert Uderzo inventent un imaginaire salvateur. Astérix et ses amis vont nous redonner fierté, confiance, tout en stigmatisant dans le même temps nos éternels travers. Le village sera situé quelque part dans les Côtes-d’Armor. Et le druide, sorte de Merlin l’Enchanteur breton, sera doté d’une potion magique pouvant justifier la résistance têtue des Gaulois.

L’homme Albert Uderzo, au tableau ! - La une du magazine La une du magazine "Time" sur le succès d'Astérix

Le succès

Après 15 ans de vaches maigres, les deux amis, Goscinny et Uderzo, dont la première ambition était de rire de leur travail pour ensuite espérer faire rire les lecteurs, touchent à leur rêve.

Le 19 septembre 1966, la Une de l’Express affiche : « Le phénomène Astérix, la nouvelle coqueluche des Français ! ». Le magazine est le première à reconnaître de fait une réalité tangible : Sorti le 31 août 1966, le nouvel album « Astérix chez les Bretons » a déjà été vendu à 600 000 exemplaires ! Du jamais vu.

En 60 ans, ce sont 380 millions d’albums vendus dans le monde, la moitié en langue étrangère, traduits en 116 langues et dialectes. Goscinny et Uderzo sont les auteurs francophones les plus traduits dans le monde et la raison tient en un mot : l’adaptation. A chaque traduction, René et Albert demandaient qu’elle soit retranscrite en français et ils souhaitaient que toutes les astuces, toutes les références culturelles soient adaptées à chaque territoire.

Aujourd’hui, Astérix et Obélix ont perdu leur deux géniteurs mais leur création est immortelle !

Article de Pic de la Mirandolla

Dessin de L

Merci au Musée Maillol

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BS

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