Visiter un musée, se rendre à une exposition, apprécier et comprendre l'art sous toutes ses formes,...autant de choses qui peuvent faire peur à priori. Heureusement, les 10 commandements sont là pour vous aider et vous rassurer !
Les 10 commandements de : « Gallen-Kallela. Mythes et nature. »
Il serait difficile d’affirmer que la culture finlandaise soit très visible et encore moins étudiée en France. Et pourtant ce pays scandinave, moins glamour que son voisin suédois, a de nombreuses choses à faire valoir notamment sur le plan culturel. Ainsi, la peinture finlandaise de fin XIXème et du début du XXème siècle est à l’honneur à Paris en ce deuxième trimestre 2022. D’un côté, le peintre Albert Edelfelt qui investi le Petit Palais (mon petit doigt me dit qu’il devrait rapidement voir l’équipe d’Apollo Magazine s’intéresser à lui) et de l’autre, Akseli Gallen-Kallela, qui fait les beaux jours actuels du magnifique musée Jacquemart-André.
Du 11 mars au 25 juillet 2022, l’exposition « Gallen-Kallela. Mythes et nature. » explore un aspect dominant de l’œuvre et traverse l’ensemble de la carrière de l’artiste finlandais, à savoir le thème de la nature et du paysage finlandais, grâce à près de soixante-dix œuvres issues de collections publiques et privées, comptant notamment des tableaux exceptionnels du Musée Gallen-Kallela d’Espoo.
L’exposition du musée Jacquemart-André se propose d’étudier de manière plus approfondie la question de la relation de l’artiste à la nature, qui évolue au cours sa carrière. Ethnographique à ses débuts, elle se nourrit de la pensée ésotérique dans les années 1895 pour acquérir une amplitude inégalée au tournant du XXème siècle. Cette mutation s’accompagne d’un changement de style qui du naturalisme évolue vers le symbolisme.
Afin que vous puissiez avoir un aperçu de l’exposition qui vous attend du côté du musée Jacquemart-André, nous vous présentons nos 10 commandements. A la lecture de ceux-ci, nous espérons vous voir vous rendre dans le vaste et riche hôtel particulier du boulevard Haussmann abritant aujourd’hui le musée Jacquemart-André, et d’ainsi découvrir la relation exceptionnelle qu’entretient un des plus importants artistes finlandais du XXème siècle avec la nature et la mythologie.
"Printemps à Kalela" / Huile sur toile d'Akseli Gallen-Kallela / 1900
1er commandement : MISE EN AVANT DE L’ARTISTE
Le musée Jacquemart-André fait la part-belle à de nombreux artistes grâce à son espace dédié aux expositions temporaires. Ainsi, concernant l’oeuvre de Gallen-Kallea, celle-ci est révélée en 7 thématiques qui démontrent l’évolution de l’artiste, du naturalisme au symbolisme en passant par l’expressionnisme, ainsi que la diversité des domaines artistiques abordés, éclairent d’un jour nouveau la peinture de paysage finlandaise. Les thématiques sont :
– Les débuts naturalistes : Ces débuts sont marqués par un style naturaliste et c’est pendant les mois d’été qu’il passe en Finlande qu’il peint des sujets inspirés par sa terre natale et ses habitants.
-Kalela, la maison-atelier : Construite en 1894, sa maison-atelier baptisée Kalela, dont il conçoit l’architecture et la décoration intérieure, dépasse le simple projet d’habitation pour relever de l’œuvre d’art totale.
– Botanique nordique : Profondément attaché aux paysages qui l’entourent, Gallen-Kallela tire de l’observation de la nature finlandaise de nombreux motifs qu’il convoque dans des œuvres aux techniques et aux styles très divers.
"La Tanière du lynx" / Huile sur Toile d'Akseli Gallen-Kallela / 1906
– Mythes du Kalevala : Dès sa prime jeunesse, Gallen-Kallela puise son inspiration dans la mythologie finlandaise. Il conçoit le projet d’une série de gravures sur le thème du Kalevala qui reprennent ou anticipent les sujets développés dans de puissantes peintures qui fondent sa réputation (Le tableau « La légende d’Aïno » ci-dessus).
– Le Cosmos : Ses œuvres du tournant du XIXe siècle sont imprégnées par un symbolisme cosmique inscrivant l’existence humaine dans un univers qui le dépasse et cherche des réponses à l’interrogation de la vie après la mort.
– Paysages de silence : La Finlande se démarque des autres pays européens et nordiques par ses innombrables lacs, qui font sa particularité. Un grand silence immobile se dégage des œuvres hivernales, peintes sur le motif mais aussi à l’aide de photographies.
– Nature en majesté : Délaissant les paysages du bord de la mer Baltique, Gallen-Kallela s’attache à ceux de la Finlande intérieure, très boisée et parsemée de grands lacs.
« Celui qui travaille longtemps et qui travaille en plein air dans la nature, finit par développer une telle relation personnalisée à son environnement qu'il se surprendra peut-être à parler presqu'aux arbres de la forêt... »
Akseli Gallen-Kallela
2ème commandement : CITATION
"Paysage sauvage de lac" / Huile sur toile d'Aleksi Gallen-Kallela / 1892
3ème commandement : A CONTEMPLER
Alors que la fin de l’exposition se profilait, nous nous sommes arrêtés un long moment devant cette toile. Si celle-ci ne paie pas de mine par son format, ses couleurs, la hauteur de ses arbres et la vue panoramique nous a estomaqué. Il faut savoir qu’Akseli Gallen-Kallela aimait partir à la découverte de son environnement, pinceaux et palette à la main, et se déplaçait dans un rayon étonnamment large à la recherche de sujets pour ses peintures. Installé sur des hauteurs, il produisait des vues panoramiques mais également des formats verticaux, avec une ligne d’horizon placée très haut dans la composition, directement inspirée des estampes japonaises alors très en vogue en Europe.
Défenseur d’une nature sauvage, l’artiste ne pouvait complètement ignorer la croissance fulgurante de l’industrie du bois et du papier, qui atteignit son apogée en Finlande au début du XXème siècle. Les entreprises forestières accaparaient non seulement les forêts mais également le réseau fluvial et lacustre. Bien avant l’écologie, les écrits de Gallen-Kallela témoignaient de sa préoccupation face à l’industrialisation et au pillage des ressources naturelles. L’artiste considérait la nature comme un ensemble dynamique, dont l’homme ne constituait qu’un élément.
"Les skieurs. Akseli et Jorma Gallen-Kallela" / Huile sur toile d'Akseli Gallen-Kallela / 1909
4ème commandement : COUP DE COEUR
Cette oeuvre nous a beaucoup plu du fait de son thème mais aussi de ses couleurs assez inhabituelles. En effet, comment ne pas imaginer un père et son fils skier au fin fond de la Finlande et ses paysages magnifiques soit pour s’amuser soit pour se déplacer d’un point A à un point B. De plus, il n’était pas rare pour le peintre de skier l’hiver jusqu’à soixante kilomètres par jour à la recherche du lieu idéal pour s’adonner à son art.
Conjuguant fauvisme et expressionisme allemand, « Les Skieurs » expérimentent une nouvelle liberté de la touche picturale et une palette très vive. Gallen-Kallela décide aussi de se familiariser avec l’œuvre de Paul Gauguin, dont l’enseignement lui est familier et qui est désormais célébré comme le maître de la couleur.
"Le Lac Keitele" / Huile sur toile d'Akseli Gallen-Kallela / 1905
5ème commandement : ZOOM
Nous avons choisi de mettre notre zoom sur cette peinture pour l’histoire qui se cache derrière ces traînées en zig-zag dessinées sur le lac gelé. Ces trainées sont causées par l’effet du vent sur les courants du lac mais évoquent également le sillage créé par Väinämöinen, le poète-héros du mythe finlandais du Kalevala, lorsque celui-ci rame sur le lac.
Malgré la relative petite taille du tableau (53×66 cm), Gallen-Kallela créé une sensation d’étendue importante qui permet de faire collaborer une forme de calme méditatif et un dynamisme propre au monde naturel.
"La Légende d'Aïno" / Huile sur toile d'Akseli Gallen-Kallela / 1891
6ème commandement : LE MOT A RETENIR
Svastika : Dans le tableau « La légende d’Aïno » que l’on a pu voir, ci-dessus dans notre article entre les commandements 1 et 2, on s’aperçoit que le cadre est orné du symbole de la svastika. Malheureusement célèbre pour avoir été utilisé par l’idéologie nazie dans la première moitié du XXème siècle, il s’agit en fait d’un symbole très ancien, présent sur de nombreux vestiges archéologiques en Europe comme en Mésopotamie. Utilisé par les civilisations indo-européennes, il existe également en Asie et en Amérique centrale. Dans le contexte scandinave, il est lié à la mythologie nordique, évoquant l’énergie solaire et le marteau du dieu Thor. C’est à cette culture païenne nordique que se réfère ici l’artiste.
7ème commandement : TEXTE EXPOGRAPHIQUE A LIRE
Le texte expographique décrit les objets exposés, mais aide, surtout, le visiteur à saisir l’esprit du tableau.
Lorsque l’on arrive dans la salle mettant en avant sa période teintée d’astronomie et de pensée spirituelle, on remarque que ses œuvres du tournant du XIXe siècle sont imprégnées par un symbolisme cosmique inscrivant l’existence humaine dans un univers qui le dépasse et cherche des réponses à l’interrogation de la vie après la mort. Tournées vers l’univers, ou bien le traversant dans une transe extatique, ses figures incarnent la dimension mystique de son œuvre.
8ème commandement : SCENOGRAPHIE
Si la qualité des toiles exposées est indispensable à la réussite d’une exposition, faut-il encore savoir comment les accrocher ? C’est à ce moment précis que la scénographie et le parcours de la visite entrent en ligne de compte. Au sein de l’exposition « Gallen-Kallela. Mythes et nature. », chaque salle nous transporte dans un nouvel univers et il faut noter l’évolution de la peinture d’Akseli Gallen-Kallela tout au long de sa vie. On retiendra particulièrement la salle dédiée au « Cosmos » avec ses murs peints en noir et son éclairage centré sur les différents tableaux. Cette ambiance céleste nous permet d’apprécier au mieux les 3 oeuvres de l’artiste.
9ème commandement : POUR ALLER PLUS LOIN
Afin d’approfondir vos connaissances sur le peintre finlandais, nous vous conseillons le hors-série du magazine « Connaissance des arts ». Celui-ci est disponible à la vente en numérique ou en papier au prix de 10 euros. Ce hors-série de 44 pages propose une mise en perspective des chefs-d’œuvre en les restituant dans leur contexte historique et artistique.
Résumé : Ce hors-série qui accompagne l’exposition présentée au musée Jacquemart-André, vous emmène à la découverte d’Akseli Gallen-Kallela (1865_1931). Considéré comme l’un des plus grands artistes finlandais au tournant des XIXe et XXe siècles, Akseli Gallen-Kallela a conçu une œuvre foisonnante dans laquelle le paysage tient une place centrale. Célébrant une nature primitive et majestueuse, il lui confère une dimension symboliste et mystique, dans des vues d’une beauté et d’une modernité saisissantes.
10ème commandement : DUREE
Il est important de distinguer deux types de visiteurs pour l’exposition « Gallen-Kallela. Mythes et nature ». En effet, il y aura le connaisseur du musée Jacquemart-André qui ira sans tarder découvrir à l’étage l’exposition temporaire et celui qui découvrira en même temps cette magnifique demeure en plein coeur de Paris et du 8ème arrondissement.
Ainsi, le premier pourra se concentrer sur l’oeuvre d’Akseli Gallen-Kallela et donc ressortir avec une bonne idée de la vie et de sa peinture en 40 minutes. Quand l’autre passera du temps à admirer l’escalier ou la grande salle du musée avant de se tourner vers la Finlande et l’un de ses peintres phares du début du XXème siècle. Celui-ci y devrait passer plus d’une heure.
Article : Paul Diey
Crédits Photos : Lucie Brudy
« GALLEN-KALLELA. MYTHES ET NATURE » du 11 mars au 25 juillet 2022
Commissariat :
Laura Gutman est historienne de l’art et commissaire d’expositions. Spécialiste des échanges artistiques entre la France et les pays nordiques, elle s’est également penchée sur les questions de géographie culturelle.
Pierre Curie est conservateur en chef du patrimoine. Spécialiste de peinture italienne et espagnole du XVIIe siècle, il a également travaillé sur celle du XIXe siècle français au Musée du Petit Palais où il a commencé sa carrière de conservateur.
