Lanvin, l’envie Sialelli

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Lanvin, l’envie Sialelli

Depuis cinq ans et le départ d'Alber Elbaz, la maison parmi les plus emblématiques de l’histoire de la Couture française a exploré différentes pistes d’identité renouvelée. Quelques directeurs artistiques ont défilé, la valse a mis l’temps, Lanvin a pris le sien. Pour lier finalement son destin créatif à Bruno Sialelli, designer ancré dans une culture de mode parisienne, mais le cœur au Sud.

Il a fait son premier stage déterminant chez Balenciaga sous la direction de Nicolas Ghesquière, a affûté son style chez Paco Rabanne, Acne Studios, puis pendant deux ans auprès de J.W. Anderson chez Loewe. Passionnément marseillais mais futur créateur obstiné, il a sauté sans faux pas de la cité phocéenne au Studio Berçot à Paris, à tout juste 18 ans. Chez Lanvin, son regard transversal sur la mode – il est à l’aise en design comme dans l’incontournable marketing de son époque – lui a ouvert les doubles portes des studios de création Homme et Femme. Une exploration qui lui colle bien au costume : Bruno aime voyager. Les racines lui importent tout autant : proche de sa famille et sensible à la transmission, il reste aussi proche des valeurs fondatrices de la maison charpentée par Jeanne Lanvin de broderies, de rubans et de parfums. La couturière vénérait sa fille et a consacré tout un pan de son travail à l’enfance. Un siècle plus tard, Sialelli invoque Babar, Zéphir et Corto Maltese dans ses collections. Subtilement, avec la distanciation que requiert une forme de (pop) art non dépourvue de classicisme. Il serait plutôt de l’école « mode qui vient à la rue » et perméabilité des genres, superpositions ajustées, flou maîtrisé. Nourri d’exaltations rigoureuses, nous avons rencontré ses paradoxes :

Beside Sport - Lanvin, l’envie Sialelli - Bruno Sialelli by Ezra Petronio - Bruno Sialelli by Ezra Petronio

Quelle part de votre enfance transposez-vous à votre style ?

Ce n’est pas tant un style, qu’un état d’esprit, une façon de voir les choses. Je suis d’une génération intermédiaire, née sans le digital mais l’ayant intégré à l’adolescence. J’en ai conservé une capacité à contempler, à observer, à prendre le temps. Voire à m’ennuyer, pour retrouver la notion d’un temps véritablement libre. C’est d’ailleurs l’un de mes piliers dans mon approche professionnelle en tant que Directeur Artistique, chez Lanvin.

En tant que jeune designer et au regard de votre expérience, comment abordez-vous les nouveaux défis de la mode ?

Sereinement. La mode est à la croisée des chemins, entre une forme de saturation, un questionnement fondamental, et une effervescence encore soutenue dans certaines zones géographiques. Nous avons peut-être perdu une certaine insouciance, tout en gagnant une grande force sociétale. La mode est un terrain d’expression désormais regardé, scruté, détaillé… elle permet de faire passer des messages, au-delà même de la beauté.  

Beside Sport - Lanvin, l’envie Sialelli - Chemise imprimée avec poignets réglables en coton et soie, pantalon en Denis bleu et des bottes Wellis en veau rouge, le tout LANVIN. - Chemise imprimée avec poignets réglables en coton et soie, pantalon en Denis bleu et des bottes Wellis en veau rouge, le tout LANVIN.

Existe-t-il, en Homme, une silhouette « Sialelli » ?

Avant tout, il y a un homme « Sialelli pour Lanvin » – l’homme « Sialelli » serait un peu différent si je devais le faire seul. En l’occurrence, je passe tout au filtre de la maison pour laquelle je travaille. Depuis mon arrivée chez Lanvin, je crée des caractères, des personnages, l’homme et la femme étant interdépendants  de chaque histoire que je raconte. Chacun de ces personnages est une expression dont la genèse provient de la rencontre de la nostalgie de l’enfance avec les archives de la maison, et d’une envie précise que je développe pour la saison. D’ailleurs l’homme et la femme se répondent dans chacune de mes collections, ils partagent des couleurs, des imprimés et des formes.

Quels ont été vos modèles masculins, dans la construction de votre image de la virilité ?

La notion de virilité est très personnelle, voire intime. Où se situe la virilité chez un homme, dans une acception parfois immédiate, parfois décalée ? Bien souvent, la virilité est confondue avec la sexualité, chez l’homme. D’autant que les codes sont chamboulés et relatifs d’une génération à l’autre. J’ai compris la notion de virilité avec les hommes de mon entourage proche, quand j’étais enfant, et aussi dans mon environnement, à Marseille. Il y a eu également l’impact de mes lectures, et des films que j’ai vus. Corto Maltese est une figure importante, quasi essentielle – mais pas unique, dans ma compréhension de la virilité.

On parle beaucoup de la figure archétypale de « la Parisienne ». Selon vous, a-t-elle son pendant masculin ?

Je trouve cette notion très galvaudée… la Parisienne est partout et nulle part. C’est une image d’Epinal saturée que tout le monde semble vouloir s’approprier. Elle ne fait pas partie de mon champ de références pour Lanvin – même si, étant la plus ancienne encore en activité, elle serait la plus parisienne des maisons de mode. A mon sens, il n’existe pas chez l’homme de telle figure archétypale, qui soit autant associé à un lieu, un style de vie localisé.

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