Hugo Becker, l’exigence passionnée

Personnalités

Hugo Becker, l’exigence passionnée

Impulsif, joyeux, intransigeant et audacieux, hugo becker est le talent pluridimensionnel du cinéma français. On le prête aux espagnols, aux américains, parce qu’on sait qu’il vaut de l’or... Et qu’il est parfaitement libre. Pas de limites. Sur le shooting, il s’est fait ami avec toute l’équipe et nous a joué la comédie en live. Hugo a 30 ans, une voix pénétrante et une âme d’enfant qui n’a pas froid aux yeux. On file au resto du coin, décalé et chaleureux, pour déjeuner tous ensemble. Avec lui, c’est comme si on s’était connu toute la vie. Rigolade et spontanéité assurées...

En tant qu’acteur, vous avez une particularité assez rare, vous jouez en français, espagnol et anglais. Comment vous sentez-vous dans ces trois langues ?
Je ne sais pas comment c’est « ne pas sentir » l’espagnol ou l’anglais, puisque ce sont des langues qui font partie de moi. Je suis né à Metz, mes deux parents sont français, mais ma mère a une cousine éloignée à Majorque. Enfant, j’allais y passer tous les étés, je jouais avec mes cousins. Pour l’anglais, j’ai eu la chance inouïe d’aller vivre six mois à 13 ans, en échange scolaire en Australie. Plus grand, j’ai vécu à Londres, New-York. Toutes ces expériences de vie m’ont ouvert des portes dans le cinéma, que je n’avais jamais imaginées. Jouer un flic infiltré avec des grandes pointures du cinéma espagnol (ndlr, avec Yon González et Lluís Homar dans Bajo Sospecha) ou interpréter le prince de Monaco, dans Gossip Girl (ndlr, aux cótés de Blake Lively), c’est un éventail formidable pour un acteur. L’anglais est une langue efficace et elle me permet de mieux me concentrer. Un mot = une signification. En revanche en français, je nuance beaucoup plus mon jeu par la diversité de vocabulaire que la langue me procure. Quant à l’espagnol, c’est une danse, une énergie puissante. Sa musicalité me fascine et me porte… Mais au final, la méthode de travail reste la même, peu importe la langue parlée : j’écoute mon/ma partenaire et je réagis à sa réplique de manière instinctive.

Vous savez lâcher prise ?
Je suis un instinctif, mais je travaille beaucoup. Après avoir étudié, tourné et retourné le texte, quand le réalisateur dit « ACTION ! » j’arrive à lâcher prise et à découvrir ce qu’il y a au-delà. Dans chaque personnage il y a des choses de moi, mais ce n’est jamais complètement moi. Alors, je dois chercher en moi – encore et encore – jusqu’à ce que j’y croie pleinement. Je deviens donc crédible aux yeux des spectateurs. Je peux être un chef de cuisine passionné, ou une jeune recrue des services secrets français… Je suis le personnage. L’année dernière, j’ai joué au théâtre dans La Nuit juste avant les forêts, une phrase qui dure 1h20 sans s’arrêter, seul sur scène. Si je ne lâchais pas prise, je n’aurais pas pu le faire. Il y avait tellement de texte, qu’il était impératif de « ne plus penser ». Quand la pièce se finissait, je ne savais même plus ce que j’avais fait. J’étais comme en dehors de moi. Mais c’est là que je me suis senti le plus libre.

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Vous semblez exigeant avec vous-même ?
L’exigence, c’est fondamental. J’aime donner le maximum et je me rends compte que plus je travaille, plus j’apprends de ce labeur. Niels Arestrup (ndlr, son partenaire dans la série Baron Noir) est en recherche permanente. Et pour moi, c’est ça l’essentiel au cinéma, comme au théâtre. Il y a d’un côté la raison, qui me procure la technique et la précision. Et de l’autre, la passion, celle qui me donne les émotions… la plus belle drogue du monde. J’ai des potes qui ne sont pas du tout cinéphiles et qui se souviennent parfois d’une phrase dans un film ou une pièce où j’ai joué. Là, c’est fantastique, je sais que j’ai traversé quelque chose. J’ai pris le temps. J’ai vécu le moment. J’étais dans de « vraies pensées ». Comme quand on est enfant et que l’on est tout à ce que l’on fait. L’art dramatique me permet de me poser ces questions-là. Je reproduis des instants. Ici et Maintenant…

Vous avez toujours voulu faire du cinéma ?
Oui, petit j’étais fasciné par le cinéma. Je connaissais des répliques de films par cœur. Le 7e art regroupe beaucoup de domaines artistiques variés, qui nous permettent de vivre plein de vies : la littérature, la musique… C’est dans sa globalité que ça me plaît depuis toujours. D’abord, il y a les acteurs, certes, mais il y a aussi l’équipe, la production, plusieurs corps de métiers parallèles au sein de notre monde. C’est passionnant et ça assouvit ma curiosité. En participant aux Jeunes Talents de Cannes, en 2010, je me suis dit que si je pouvais arriver à vivre de mon métier d’acteur, alors ce serait déjà formidable. Et puis il y a eu la série Gossip Girl, aux États-Unis. Ce que j’aime, c’est le chemin. J’ai de la chance d’avoir eu de vrais bons guides. Des  rencontres avec des réalisateurs ou des directeurs artistiques ont constitué des tournants importants pour moi : Paul-Émile Fourny, Daniel O’Hara, Xavier Durringer… Ils m’ont apporté liberté et confiance en moi.

Cette confiance, vient-elle aussi de votre famille, du milieu où vous avez grandi ?
Je suis le plus jeune de quatre frères et sœurs et nous formons une famille très soudée. La force que je peux avoir, je l’ai apprise d’eux. Ils m’ont ouvert la voie. Même si, ni mes parents, ni mes frères et sœurs ne sont dans des domaines artistiques, j’ai toujours su que je devais faire ce métier… Et chercher sans cesse les aventures. Un peu comme quand j’étais à l’école. J’avais des facilités, mais je vivais dans l’instant présent et je faisais des conneries, du style, monter sur le toit de l’internat pour y lancer des feux d’artifices. Souvent, pour épater une fille…

Justement, vous feriez quoi pour épater une fille ?
J’essaierai de faire du cinéma (son sourire illumine son visage, ses yeux se plissent de malice). Tout ! Je construirai une maison, je ferai un rallye dans le Grand Nord. Je ne me mettrai pas de limites. Mais finalement, je sais que si je suis vraiment amoureux, alors, il n’y a pas à chercher à épater. Sinon, c’est déjà raté.

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Est-ce que vous rêvez ?
(Il a un léger mouvement de recul, comme pour se protéger) Ça me fait peur les rêves et je les garde pour moi. Il y a des rêves prémonitoires et d’autres qui se confondent avec la réalité. J’aime me servir de la sensation du rêve, du ressenti, de l’état d’absence que je peux éprouver en rêvant. Je m’en sers dans la vie. J’ai beaucoup de rêves où l’on s’en prend à mon entourage. Peut-être que cela traduit mon angoisse permanente de faire subir le moins possible mes tourments à ceux que j’aime. Je peux être intransigeant sur les tournages et comme je le sais, j’ajuste mon comportement aux désirs, aux limites des autres. Jouer m’aide considérablement à comprendre et appréhender mes émotions. Je connais mieux mes forces et mes vulnérabilités grâce au jeu. Jouer l’obsession par exemple, c’est un véritable test pour la « vraie vie ».

Vous avez une voix très reconnaissable. Vous le savez ?
Oui, on me l’a souvent dit, même si je n’entends pas ma vraie voix (il se penche sur la table pour mieux me convaincre). Vous le savez, on n’entend sa voix que de l’intérieur et jamais comme les autres la perçoivent.
J’ai reçu le Prix de la Plume pour ma lecture et mon interprétation des Chroniques martiennes de Ray Bradbury. J’ai aussi doublé en français le personnage de Ray-Marcus dans Nocturnal Animals (cf. Apollo Magazine N°16, portrait de Jake Gyllenhaal). Une chose est sûre, ma voix, c’est mon instrument.

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Vous avez sept ans d’ascension certaine et extrêmement prometteuse, dans le cinéma. Un parcours déjà international, c’est admirable. Vous êtes heureux ?
(Comme pour appuyer ses mots, il change de canal et se met à me parler en anglais). Vous savez, je ne poursuis pas de plan de carrière. Je choisis mes projets en fonction de ce que j’aime. Je suis rentré des États-Unis vers 26-27 ans et puis j’ai été pris pour tourner dans Chefs. Le reste a suivi… J’ai beaucoup de chance. Je suis en France, j’aime travailler pour le cinéma français. La vie a décidé de certaines choses et elle m’emmène où elle veut (son regard est vibrant, ses mains ouvertes). Au début je prenais tout ce que l’on me proposait. Petit à petit, je choisis selon les envies de mon cœur. Par exemple, je viens de refuser une série au Canada, parce que tous les projets que j’ai en cours ici me passionnent davantage. Je refuse de me laisser guider par la stratégie. Être heureux pour moi, c’est continuer d’être dans le kiffe…

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Exigeant et passionné, Hugo Becker n’est pas corrompu par le système. Il poursuit sa quête de vérité avec son arme absolu : la liberté. Persévérant au-delà de la norme, il façonne son artisanat comme un sculpteur le ferait avec de la glaise. Chaque mot est pensé, ressenti, puis lâché comme un cadeau d’un instant présent qui ne reviendra plus. Il a une énergie fulgurante, métissée de toutes les expériences humaines et linguistiques qui l’ont traversées depuis tout jeune. Dans la brasserie colorée où nous sommes assis depuis des heures, il n’y a plus personne autour de nous. Il m’a donné sans compter de son temps, tout entier à ce qu’il dit et pense. Ses yeux kaki et sa voix chaude et profonde nous enveloppent, tandis que nous sortons en saluant le cafetier. Ça sent la neige dehors. On se fait la bise. Gracias, Hugo and good luck to you !

Photographe : Antonin Guidicci
Stylisme : Marco Manni
Interview : Mariem Raïss

Marques :
BALLY : bomber, chemise en soie
FENDI : costume et trench en coton, , maille en coton, pantalon
FOSSIL : montre sport 54
VALENTINO : souliers en cuir, pantalon noir en coton, sweat-shirt

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