Anthony Abbasse, la fierté du karting français

Interview

Anthony Abbasse, la fierté du karting français

Si la F1 est le rêve de tous jeunes pilotes de course en herbe, il est nécessaire pour cela de briller dès ses premiers tours de roue en karting. Et si pour beaucoup, cela n'est qu'une étape, pour certains, cela devient une carrière !

Si pour vous le karting ne représente qu’un hobby occasionnel ou encore une activité indissociable d’un enterrement de vie de garçon, ou EVG comme le veut la société actuelle, alors vous n’avez sans doute jamais entendu parler d’Anthony Abbasse. Et pourtant la France peut se gargariser d’avoir l’un des meilleurs pilotes  sur son territoire. En effet, à 29 ans, Anthony a décidé d’embrasser une carrière de professionnel de karting chez son employer de toujours, Sodikart. Une écurie, basée à Nantes, qui est tout simplement leader mondial dans l’industrie du karting. De ce fait, Beside Sport a décidé de mettre son projecteur sur le karting et sur son meilleur représentant en France, Anthony Abbasse !

Anthony, comment et à quel âge se retrouve t-on pour la première fois dans un kart ?

J’ai commencé le kart à 7 ans, comme tout le monde, dans un karting de location et cela m’a beaucoup plus. Puis mon père a pris le risque de m’acheter un kart d’occasion et je suis allé dans un petit club. Je me suis alors entraîné sur des pistes de mon côté car à mes débuts, il n’y avait pas encore de compétitions régionales ou nationales. On pouvait juste faire des « démonstrations » entre 12 et 14h lors des compétitions. C’était entre copains et on s’amusait énormément. Et après 10 ans, j’ai enfin pu débuter les compétitions.

 

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Merry Christmas 🎁🎁🎁 22 years ago it was my first go kart😜 under 🌲 it was my best present🙏🏼 #oldschool #kart #karting

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On assiste souvent au fantasme du père qui veut faire de son fils un champion de course automobile et qui le met très jeune dans un kart, était-ce le cas avec ton père ?

Honnêtement mon père a toujours cru en moi et m’a toujours vu au plus haut mais il a également toujours eu cette délicatesse de ne pas me mettre la moindre pression. Pour lui, je devais avant tout prendre du plaisir. Sa démarche était réellement bienveillante avec moi et si j’avais voulu arrêter le kart du jour au lendemain, il n’y aurait eu aucun problème. Pour conclure, cela devait être ma passion et ma motivation et non pas la sienne à travers moi.

As-tu le souvenir de la première sensation que tu as eu sur un kart ?

Forcément, c’est la vitesse ! Mais aussi d’être assis, d’appuyer sur la pédale de droite, d’avancer, de voir les images qui défilent, le bruit, les vibrations,…c’est tout de suite ce qui impressionne. Encore aujourd’hui, je ressens encore tout cela !

Comment arrivais-tu à combiner ta passion du karting à l’école ?

Cela n’a pas toujours été très simple. Malgré tout, j’ai réussi à aller jusqu’au BTS et ensuite l’équivalence d’une licence. Mais cela a été délicat car j’avais beaucoup d’absences du fait que sur les meetings, on partait dès le mercredi. Le vrai moment où cela s’est avéré très très délicat, c’est lors de mon arrivée au lycée. C’est à cette période là que les compétitions internationales ont débuté et j’ai dû quitter la structure normale et aller dans une structure où ils avaient déjà pas mal de sportifs. Du coup, le lycée était plus indulgent par rapport à mes absences et j’ai aussi eu la chance d’avoir des amis qui m’ont aidé pour rattraper mes cours mais aussi m’expliquer.

Honnêtement, j’étais plein de bonne volonté, je me disais que j’allais amener mes cours en compétition et que j’allais bosser le soir mais c’était très compliqué car on n’a pas du tout la tête à cela. J’étais à 100 % dans ma compétition et je ne pouvais me concentrer sur rien d’autre. En soit, je n’avais rien contre l’école mais j’aimais surtout mon sport. Et je savais pertinemment qu’il n’y avait pas de karting sans école, c’était la volonté de mon père. Aujourd’hui, je le remercie car je pense avoir un cursus scolaire correct. Et puis dans notre société, quelque soit notre travail, c’est incontournable de savoir bien écrire, bien parler et bien compter, ce sont les choses basiques mais aussi réfléchir et analyser. Sans ma passion du karting, j’aurais sûrement aimé faire une école de commerce ou d’ingénieur mais j’ai fait le choix du sport.

Et avec tes camarades de classe, ça se passait comment ?

Eux, ça les faisaient rire car à peine j’étais quelques jours en classe que je repartais pour une course. Souvent la période où il y avait les championnats du monde, c’était septembre et du coup, je faisais la rentrée, c’est-à-dire un jour, et ensuite je revenais que fin septembre. J’avais loupé 3 semaines et forcément, les clans et les groupes d’amis étaient déjà faits et au milieu de tout cela, je devais faire ma place et ce n’était pas toujours évident. Heureusement, la période hivernale était calme niveau sportif donc je pouvais rééquilibrer tout cela.

A partir de quel âge les meilleurs kartmen sont-ils repérés pour passer en monoplace ?

Souvent, on commence à faire attention aux pilotes, à partir de 13-14 ans et aujourd’hui, les pilotes passent en monoplace à partir de 15 ans. C’est un peu tôt à mon sens mais la pyramide est faite de cette manière. Une nouvelle règle instaure le fait que l’on ne peut pas aller en F1 à moins de 18 ans, qui je trouve est assez justifiée. Je pense qu’il ne faut pas brûler les étapes et il faut faire les choses correctement.

C’est sûr que beaucoup de jeunes rêvent de la Formule 1 et essaient de passer en monoplace le plus vite possible sauf qu’ils ne vont pas au bout des choses lors de certaines étapes et ce manque d’expérience, ils le paient par la suite. Après, il y a des surdoués qui arrivent à sauter ses étapes, c’est le même principe qu’un surdoué à l’école sauf que ce n’est pas le cas de tout le monde. Si on prend l’exemple d’un surdoué, à savoir Max Verstappen, avec qui j’ai roulé quand il avait 15 ans, il était beaucoup plus fort que moi…mais c’est un cas à part !

Comment et à quel moment as-tu décidé de continuer ta carrière en karting ?

Justement à cette période là, vers 15-16 ans, je me posais la question sur le passage en monoplace. J’avais alors une proposition pour faire de la monoplace mais sur une vision court-termiste et donc il existait un risque et j’avais une opportunité de faire une carrière en kart avec pour le coup une vision sur du long terme. A un moment donné, il a donc fallu faire des choix et c’est là que l’aspect financier rentre en ligne de compte. La monoplace coûte très cher et nécessite donc de gros sponsors. Et à l’heure du choix, je me suis dit que j’étais déjà très fier de ce que je faisais et j’ai préféré être un peu plus sage et ne pas prendre de risques et potentiellement se retrouver sans rien 1 ou 2 ans après. On ne sait pas ce qui se serait passé si j’étais allé en monoplace mais ce qui est certain, c’est que je n’ai aucun regret. Et j’espère que ce choix pourra servir à plein de jeunes dans l’avenir !

« Je crois et j'ai toujours cru en cette marque et eux, c'est pareil, ils ont toujours cru en moi donc au final, il n'y a rien de plus beau »

Anthony Abbasse

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Que représente Sodikart pour toi ?

Sodikart avant tout, c’est un constructeur et puis c’est un peu une seconde famille. Ils sont venus me chercher quand j’étais tout petit, juste après mon titre de champion de France. J’ai eu la chance, quand j’avais 12-13 ans, que Sodikart recherche un jeune talent pour promouvoir la marque et pour pouvoir faire quelque chose sur du long terme à conditions que les résultats suivent. Je leur dois donc énormément et ils m’ont toujours fait confiance, moi aussi, donc aujourd’hui le fait d’avoir toujours été fidèle à cette marque m’ouvre des portes notamment sur l’avenir.

Sans mentir, j’ai eu d’autres propositions jusqu’à présent mais j’étais éduqué avec des grosses valeurs de fidélité, de stabilité et donc même si la marque va moins bien, ce n’est pas une option pour moi d’abandonner le navire. Aujourd’hui, la marque fonctionne donc c’est super pour tout le monde.

Devenir professionnel en karting, cela veut dire quoi ?

Déjà devenir professionnel, cela veut dire être payé pour rouler, c’est le premier critère ! Pour ma part, je suis pilote pour un constructeur, Sodikart, et je suis amené à faire des compétitions, promouvoir et représenter la marque et avoir une image en adéquation avec les valeurs de la marque. Je fais de ma passion mon métier mais tout n’est pas toujours rose, il y a des avantages et des inconvénients. Après, je ne vais pas me plaindre car c’est un super job mais il y a des contraintes comme le fait d’être souvent en déplacement, on a une pression et une exigence assez forte qui s’exercent sur nous car le résultat doit être là, mais également faire attention à son hygiène de vie avec beaucoup de sport et une alimentation surveillée. Les sacrifices sont humains aussi car on voit plus trop nos amis ou encore notre famille mais ce sont des choix personnels.

Peux-tu nous en dire plus sur le monde du karting ?

Concrètement, cela ressemble au milieu du sport mécanique ! Au niveau où je suis, on est un peu près 30 pilotes dont 10 professionnels. Il y a un gros respect qui s’instaure entre pros car on sait ce que l’on a accompli pour en arriver là. Après ce n’est pas pour cela que l’on part en vacances ensemble car on se voit quand même assez souvent sur les pistes donc pour les vacances, on privilégie les amis et la famille.

Sinon la vie dans un paddock, il y a des mécaniciens, un ingénieur, un team manager, un chauffeur, des motoristes et après les collègues pilotes mais aussi les officiels…cela fait beaucoup de monde et on doit aussi jongler avec tout cela mais ça fait partie du métier.

Voir arriver des jeunes pilotes chaque année, ça change quoi pour toi ?

C’est une vraie motivation plus qu’une peur car il n’y a pas d’extraterrestres, ça je n’y crois pas mais il faut juste travailler. En soit, quand tu as fait le boulot, tu sais que ça doit fonctionner. Après, la jeunesse est synonyme de fougue et donc sur un tour, le pilote va être un peu plus vite car il ne va pas se poser la question de savoir s’il faut freiner plus tard et si ça passe ou pas. Alors que moi, je sais que si je freine 1 mètre plus tard, ça ne passe pas. Sauf que le jeune, son risque peut s’avérer payant mais après sur une course de 30 tours et sur l’ensemble du meeting, l’expérience fait que les « vieux » arrivent à faire la différence.

Te comportes-tu un peu comme un grand frère avec les jeunes pilotes ?

Moi, un pilote qui vient me demander un conseil, je vais lui transmettre avec plaisir. A contrario, un pilote qui n’a pas envie et qui ne demande pas, je ne vais pas aller vers lui et lui dire comment faire. Quand j’étais jeune et que j’avais besoin d’infos, je cherchais l’info et personne ne m’a tout mis dans le bec. Je considère que quelqu’un qui a envie de s’investir va se renseigner du mieux qu’il peut.

Concernant la jeunesse, je vais plus les conseiller sur comment aborder une course, travailler sur le relationnel qui est très important dans ce milieu. Mais surtout leur éviter de faire certaines erreurs !

Est-ce que beaucoup de jeunes pilotes de kart décident de se professionnaliser en karting ?

Malheureusement, il n’y en a pas beaucoup ! La plupart, voire tous, rêvent de F1 donc forcément ils partent assez tôt. Certains restent mais ce n’est pas simple non plus car il faut avoir le coup de chance, être dans le bon timing pour qu’un constructeur ait une place à offrir.

Quels sont les prize money en moyenne dans le kart ?

C’est une question d’actualité car on est en train de revoir le système de prize money avec la fédération et aussi de voir comment rendre le karting plus attractif. Aujourd’hui, concrètement pour en vivre, sans constructeur derrière, c’est impossible.

« Demain, j'achète mon kart et je gagne toutes les courses du monde et bien, je ne peux pas en vivre  »

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« Aujourd'hui, si j'ai un team de F1, je fais tout pour avoir Verstappen et Leclerc et là j'ai les deux meilleurs pilotes du monde »

Anthony Abbasse

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Quels sont les pilotes, aujourd’hui de renom que tu as pu croiser dans ta carrière ?

Il y en a pas mal (rires) ! Alors parmi ceux en F1 actuellement, il y a Pierre Gasly, Charles Leclerc qui était chez Sodikart mais aussi Verstappen, Albon, Kvyat, Norris,…j’en oublie sûrement. En Formule E, il y a Jean-Eric Vergne avec qui j’ai roulé dans la même catégorie et on est de la même génération. Honnêtement, ceux qui m’ont fait la plus forte impression, ce sont Max Verstappen et Charles Leclerc.

Que penses-tu de la notoriété du karting en France ? Et dans d’autres pays ?

C’est difficile de dire que l’on est plus valorisé dans un pays par rapport à un autre. Les mentalités sont différentes entre pays mais d’une manière globale, c’est un sport qui mérite d’être beaucoup plus médiatisé. Et malheureusement, c’est dû au fait qu’il y a une pyramide et que l’on ne s’intéresse qu’au haut de la pyramide malgré que l’on soit en quelque sorte, l’antichambre de la F1. A une certaine époque, on était sur Eurosport, il y a eu aussi des choses faites sur TF1. Malheureusement, ça s’estompe un petit peu mais c’est sûr que si un gros média faisait confiance au karting, ça changerait la donne.

Même au niveau des spectateurs, on est en baisse. Il y a quelques années, je voyais de vrais spectateurs dans les gradins qui suivaient toutes les courses, aujourd’hui, les gens dans les tribunes sont les accompagnateurs. Cela est sûrement dû à la perte d’un évènement comme Bercy où on pouvait voir du kart à la télévision et surtout les pilotes de F1 qui faisaient des démos en kart.

Quel est aujourd’hui le pilote de kart le plus célèbre au monde ?

Qui est en activité à mes côtés, je dirais Marco Ardigo qui a remporté 3 titres de champion du monde, 5 titres de champion d’Europe. C’est un pro qui travaille pour une marque italienne depuis de nombreuses années donc c’est un exemple de carrière pour moi.

Quels sont tes objectifs de carrière à l’heure actuelle ?

A court terme, ce sont les Championnats du monde qui arrivent en septembre. A long terme, cela sera d’avoir un maximum de titres de champion du monde et à très long terme, c’est pouvoir continuer à travailler dans ce milieu là dans lequel j’ai réussi à m’offrir une légitimité…et pourquoi pas un saut aux 24h du Mans auto pour me faire plaisir !

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BS

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