L’Homme Stéphane Peterhansel

Moteurs Sport Interview

L’Homme Stéphane Peterhansel

Chez Apollo Magazine, nous avons l'ambition d'aller au plus près des personnalités et de comprendre un peu mieux à qui nous avons à faire humainement. Ainsi, nous allons nous intéresser tour à tour à l'Homme ou à la Femme interwievé.

Né le 6 août 1965 à Echenoz-la-Méline près de Vesoul en Haute-Saône, talent immense sur un skateboard puis au guidon d’une moto et enfin derrière un volant, plus beau palmarès du Rallye Dakar toutes catégories confondues et personnalité attachante, pressée dans le bon sens du terme et extrêmement sympathique, chez Apollomagazine.fr nous avons décidé de nous intéresser à « L’HOMME STEPHANE PETERHANSEL » !

Stéphane Peterhansel, que pouvez-vous nous dire de votre enfance du côté de Vesoul et du rôle de vos parents dans votre éducation ?

J’ai eu une enfance très heureuse avec forcément une attraction précoce pour les sports mécaniques. Mes parents étant séparés, je suis resté beaucoup avec mon père et celui-ci m’a transmis sa passion de l’automobile et de la moto. J’ai toujours été attiré par le sport mais notamment par ce que l’on peut appeler « le sport fun ». Je ne voyais pas le sport par son versant « souffrance » mais bien par la notion de jeu. Je retrouvais cela dans le skateboard, dans le ski ou encore dans le vélo.

Vous avez décidé d’arrêter vos études tôt pour vous consacrer à la moto notamment. Comment cela a t-il été perçu dans votre famille ?

Mon père a été très ouvert sur le fait de devenir pilote professionnel. Néanmoins, il m’a laissé un an pour faire mes preuves et si cela ne fonctionnait pas, je devrai le rejoindre dans l’entreprise familiale de plomberie. A 19 ans, j’ai obtenu mon premier contrat de pilote officiel et cela s’est parfaitement enchaîné.

A la différence de mon père qui était plutôt inquiet de nature, ma mère était très optimiste et m’a toujours beaucoup encouragé. J’ai essayé d’appliquer cette méthode jusqu’à présent afin de pouvoir toujours avancer dans la vie.

Etre dopé à la vitesse dès son enfance, cela donne quelle vision de la vie ?

Dans ma profession, mon but est d’aller le plus vite d’un point A à un point B. Et forcément dans la vie de tous les jours, tout doit aller vite. Par exemple, quand je suis au restaurant et que j’ai fini de manger, je dois vite recevoir l’addition afin d’aller le plus rapidement possible faire autre chose. Et ce n’est pas du goût de tout le monde car beaucoup de mes proches aiment bien prendre le temps et traîner un peu à table pour discuter.

C’est devenu une déformation professionnelle et donc un défaut mais je sais bien que cette mentalité me vient tout droit de mon enfance et de ma formation quotidienne à la vitesse. Cela fait 38 ans que je suis à bloc dans mon métier et cela laisse forcément des traces.

Beside Sport - L’Homme Stéphane Peterhansel -  -

Place désormais au Dakar. Que signifiait le Paris-Dakar pour la famille Peterhansel ?

Mes parents étaient vraiment des gens à l’écoute et compréhensifs. Ainsi, quand ils ont appris que je souhaitais prendre le départ du Paris-Dakar, ils ont accepté mais avaient une vraie peur. Cette course faisait peur car il y avait, à l’époque, beaucoup d’accidents surtout chez les motards.

Quand je suis parti pour mon premier Paris-Dakar, toute ma famille s’était déplacée au départ, du côté du Château de Versailles. Ils étaient tous en larmes, un peu à l’image d’un soldat qui part au front et dont on ne sait pas s’il va revenir. C’était une atmosphère très lourde mais mon envie est restée intacte !

Votre premier Dakar est plutôt une réussite au niveau sportif mais vous êtes également marqué par le grave accident de votre coéquipier André Malherbe. Quels sont les sentiments qui ressortent après votre première expérience ?

J’ai effectivement pris en pleine face la dure réalité de cette course dès ma première participation. André Malherbe, qui était une superstar de la moto à l’époque, tombe au bout de 3 jours et se retrouve tétraplégique. C’est un vrai choc pour moi mais pour être tout à fait honnête, cela a été un point positif pour moi. En effet, j’ai tout de suite compris que cette course n’était pas du « playback ». J’aime bien ce terme car il exprime bien le fait qu’on ne joue pas pour de faux et que la moindre erreur se paie cash et peut-être irréversible. Sur le côte sportif, c’est vrai que pour une première, je n’avais pas démérité.

L’Homme Stéphane Peterhansel - Cyril Neveu et Stéphane Peterhansel - Cyril Neveu et Stéphane Peterhansel

N’est-ce pas trop frustrant de comprendre que ce n’est pas la vitesse qui vous fera gagner mais plutôt la régularité…Surtout lorsque l’on a 25 ans ?

C’est difficile car à cet âge là, on a envie de rouler le plus vite possible et de montrer au monde que l’on est parmi les meilleurs. Alors j’ai fait des erreurs, heureusement sans conséquences sur mon corps. Il a fallu attendre l’année 1990 où j’ai disputé le Rallye de Tunisie et le Rallye du Maroc et où j’ai remporté ma première victoire en rallye-raid sans gagner aucune étape. J’ai été extrêmement régulier et cela a eu un effet déclencheur chez moi. Dès le Dakar suivant, j’ai remporté la course et je pensais avoir compris la méthode pour en gagner beaucoup d’autres.

Après 6 victoires en 8 ans, vous détenez alors le record de victoires en moto sur le Dakar. Quelles sont les raisons qui vous poussent à passer à l’automobile ?

Il y a 3 raisons ! Tout d’abord le fait d’avoir battu le record de Cyril Neveu qui avait gagné 5 fois le Dakar en moto. Puis le fait d’avoir joué avec le feu et d’avoir évité les accidents et enfin une grosse passion pour l’automobile, inculquée par mon père depuis mon enfance.

Comment se passe la transition du 2 roues aux 4 roues ?

Cela n’est pas simple du tout ! Mon premier réflexe est de me dire, qu’en tant que recordman en moto, je suis le meilleur et donc que les constructeurs vont m’intégrer à leur équipe officielle les bras ouverts. Sauf que Citroën ou Mitsubishi à l’époque ont déjà leurs trois ou quatre pilotes titulaires et ceux-ci me proposent de louer mon baquet. L’enveloppe était trop importante surtout que je n’étais pas soutenu par des partenaires extra-sportifs pour pouvoir réunir le budget alloué.

Et c’est grâce à mes performances au Trophée Andros sur Nissan que le constructeur japonais m’a proposé un volant officiel au Dakar. Ce n’était clairement pas la meilleure voiture mais voilà comment j’ai débuté en auto au Dakar. J’ai terminé à une très honorable 7ème place au général mais également meilleur pilote Nissan et ce résultat m’a ouvert de belles portes par la suite.

L’Homme Stéphane Peterhansel - Stéphane Peterhansel et Jean-Paul Cottret  - Stéphane Peterhansel et Jean-Paul Cottret

Qui dit auto, dit copilote. Comment vivez-vous cette expérience ?

Pour mes débuts en auto, j’ai l’idée de prendre comme copilote un ancien motard. Néanmoins, les personnes de chez Nissan me conseillent rapidement d’abandonner cette idée et de prendre quelqu’un qui a déjà de l’expérience. On me présente Jean-Paul Cottret et immédiatement, je suis impressionné par les compétences de ce copilote, notamment en navigation, mais qui s’avère également un très bon mécanicien, ce qui est indispensable en cas de problèmes sur la voiture. De plus, il avait un caractère facile mais très ferme dans ses décisions. On est resté 20 ans ensemble avec 7 victoires au compteur.

Ce n’était pas évident pour moi de faire 100 % confiance à quelqu’un, notamment en matière de navigation, mais j’avais tellement de choses à apprendre en terme de pilotage de la voiture que j’étais presque content de déléguer la partie navigation.

Enfin, avec Jean-Paul, cela a été une super relation professionnelle avec beaucoup de victoires mais aussi des galères. Dans ces moments là, celui-ci n’a jamais fait de remarques blessantes ou désobligeantes. Néanmoins, nous n’avions jamais été amis dans la vie. On ne se voyait jamais en dehors des courses et de la compétition car nous avions des centres d’intérêt très différents.

Vous allez faire équipe avec Luc Alphand, grand champion de ski alpin. Est-ce que vous vous retrouvez en lui et en son amour de la vitesse ?

Nous avons passé beaucoup de temps chez Mitsubishi et il était facile de voir les ressemblances évidentes qu’il y avait entre nous comme le fait de s’investir dans un projet, de ne rien lâcher ou encore d’être capable d’aller loin dans la souffrance.

« Pour la petite histoire, avec Luc, nous sommes nés le même jour et la même année et cela a sûrement créé des liens presque fraternels. »

Stéphane Peterhansel

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« Luc, il se caractérise par un vrai esprit de sportif avec un mental de champion. »

Stéphane Peterhansel

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On a passé de supers moments ensemble. Je me rappelle notamment des stages de préparation physique avant le Dakar où on n’arrêtait pas de se tirer la bourre en vélo par exemple. Mais c’était toujours dans un esprit de camaraderie. Entre champions, on se comprend facilement. Ce fut le cas aussi avec Sébastien Loeb dans nos approches très analytiques et méticuleuses de tout.

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Après 8 victoires en Auto et plusieurs équipes, vous voilà prêts pour le Dakar 2023 avec l’équipe Audi et son Audi RS Q e-Tron. Que vous inspire un véhicule hybride, doté de quatre moteurs électriques de Formule E et d’un moteur essence TFSI issu du DTM ? 

Tout d’abord, si on m’avait dit il y a 5 ans que l’on ferait le Dakar avec un véhicule électrique, je n’y aurais pas cru ! Ensuite, quand j’ai été approché par Audi sur ce projet, cela a piqué ma curiosité et j’ai eu envie de voir ce que serait peut-être le futur. De plus, Audi était le constructeur idéal pour pouvoir se lancer dans un tel défi avec sa connaissance de l’hybride en compétition avec ses nombreuses victoires aux 24h du Mans notamment.

Aujourd’hui, je suis tout simplement séduit par le concept car en terme de pilotage, c’est exceptionnel de conduire une voiture électrique dans le sable et les dunes. Avec cette puissance constante développée, cela donne un pilotage sûrement plus instinctif, plus simple et surtout plus efficace. Le pilotage est génial grâce au fait d’avoir une réponse instantanée à la pédale.

«  En Arabie Saoudite, il y a beaucoup de dunes et on a comme l'impression de faire du surf sur celles-ci. »

Stéphane Peterhansel

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L’Homme Stéphane Peterhansel -  -

Voici l’homme que vous êtes aujourd’hui mais intéressons-nous au Stéphane Peterhansel de demain. Quel est l’homme que vous souhaitez être dans les prochaines années ?

On a traversé les plus beaux paysages du monde, les plus beaux déserts, sans jamais avoir eu le temps de les apprécier. L’objectif est de continuer à voyager, sans chronomètre, sans stress et juste profiter de la nature. Depuis toujours, avec mon épouse, nous ne sommes clairement pas des citadins et on a besoin d’être au contact des grands espaces que cela soit à la mer ou à la montagne. Donc la suite, c’est le voyage, la nature et le plaisir mais aussi profiter de mes 50 motos et de m’en servir dans de beaux endroits.

En résumé, allier ma passion de la vitesse et de la mécanique avec les plus beaux panoramas du monde !

Quel est l’homme dont vous voulez que l’on se souvienne sur le Dakar ?

Au delà des victoires qui sont impressionnantes, même pour moi, je pense que j’ai eu beaucoup de respect pour mes adversaires. C’est pour cela que je n’ai pas d’ennemis dans le monde du rallye-raid. J’aimerais que les gens gardent le souvenir d’un pilote fair-play !

Merci Stéphane Peterhansel !

Merci à vous !

Interview : Paul-Yves Dieÿ

Crédit photos : Audi Media Center

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