L’Artemis « Jade Genin »

gastronomie Interview

L’Artemis « Jade Genin »

Artémis était la déesse de la chasse et de la nature sauvage. Ainsi, quoi de mieux que d’aller à la rencontre de celles qui se sont faites un nom parmi les plus grandes et qui arborent certaines caractéristiques de cette fameuse déesse.

Notre Artémis du jour est âgée seulement de 32 ans. Scolarisée en sport-étude section patinage artistique jusqu’à 14 ans, avocate au barreau de Paris dans une première vie professionnelle puis bras droit, de son père le chocolatier Jacques Genin, elle a fini par se décider à tracer son propre chemin en créant sa propre chocolaterie en novembre 2022. Elle arbore aujourd’hui la casquette de cheffe avec un succès toujours plus retentissant. Son nom est : JADE GENIN, ELLE EST ARTISAN CHOCOLATIER ET FONDATRICE DE LA CHOCOLATERIE EPONYME SITUEE SUR LA TRES CHIC AVENUE DE L’OPERA A PARIS.

Beside Sport - L’Artemis « Jade Genin » - Crédit photo : Stéphane Grangier -

Crédit photo : Stéphane Grangier

– Jade, vous êtes encore relativement jeune pour évoluer en votre nom dans le milieu de la chocolaterie. Etait-ce important pour vous d’avoir rapidement votre boutique et votre entreprise ? 

Jade Genin : Il faut savoir que j’ai travaillé avec mon père, Jacques Genin, qui est également chocolatier, pendant 3 ans. On va dire que la question ne s’est pas posée comme ça et que j’ai plutôt eu envie de faire des choses différentes de ce que mon père proposait. Au lieu de créer une gamme dans une entreprise déjà établie, avec sa propre identité et univers, j’ai décidé d’agir comme un élément perturbateur en termes de création et d’image. De ce fait, ce qui m’a paru le plus évident pour proposer autre chose, c’était de le faire dans un cadre différent.

– Comment pourriez vous définir le style Jade Genin ?

J.G : C’est une vaste question. La première chose est que l’on ait une approche très sensible au produit et que l’on fasse attention aux matières premières que l’on travaille. Je souhaite également que chaque ingrédient que j’utilise puisse se manger à la cuillère et donc il ne faut donc pas des choses trop transformées. Par exemple, on n’emploie pas de sucre blanc, de glucose, de sucre inverti, pas de conservateurs, pas d’arômes (même s’ils sont naturels) et on part toujours du produit frais.

C’est une démarche qui est très répandue en cuisine mais qui ne l’est pas du tout en chocolaterie et en confiserie. Ce sont des domaines encore très opaques sur ce qui va constituer un chocolat. Ainsi, dans 99 % des cas si un chocolat est à la menthe, on va mettre une goutte de pipette de menthe comme pour les chewing-gums plutôt que d’utiliser une feuille de menthe. De plus, on a une manière très épurée de travailler le produit. Je ne cherche pas à toujours rajouter des choses mais au contraire, j’essaie de mettre l’accent sur seulement quelques éléments.

« Mes chocolats doivent avoir une identité folle mais également être facile à comprendre »

Jade Genin

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– Que pouvez-vous nous dire de votre travail du chocolat ?

J.G :  Je travaille beaucoup sur les associations de saveurs avec le chocolat donc j’utilise beaucoup d’herbes, ce que l’on voit plus souvent dans la cuisine. Néanmoins et j’y tiens, je ne dépasse jamais trois arômes. Ce n’est pas ici que vous allez trouver du litchi banane framboise coulant coco (rires).

Ensuite, il y a le côté graphique ! Tous les chocolats sont peints à la main grâce à la dissolution des pigments naturels dans du beurre de cacao. L’association de la couleur et du chocolat existe déjà mais avec le savoir-faire que j’ai développé et l’utilisation du chocolat noir moulé, on obtient un rendu assez semblable à un objet laqué. Et à ma connaissance, cela n’existe que chez nous !

– On peut parler de secret de fabrication ? 

J.G : Oui un petit peu (rires). Très souvent quand il y a de la couleur, c’est sur du chocolat blanc car c’est plus facile à faire ressortir. 

L’Artemis « Jade Genin » -  - Crédit photo : Malthusian Belt
L’Artemis « Jade Genin » -  - Crédit photo : Alex Sezka
L’Artemis « Jade Genin » - Crédit photo : Malthusian Belt - Crédit photo : Malthusian Belt
Beside Sport - L’Artemis « Jade Genin » - Crédit photo : Malthusian Belt -

Crédit photo : Malthusian Belt

– Vous êtes aujourd’hui installée Avenue de l’Opéra où vous avez comme voisins prestigieux Pierre Hermé ou Cédric Grolet mais également d’autres chocolateries de renom. Comment fait-on pour se faire un nom et même un prénom dans votre cas ?

J.G : Comment s’émancipe t-on ? Je pense que dans de nombreux domaines en France les marchés sont matures. Néanmoins, mais ce n’est pas pour cela qu’il ne faut pas essayer et quand on tente sa chance, l’important est de réussir à communiquer ce que l’on est. 

Si je prends l’exemple de la mode, on va tout de suite voir la différence entre un défilé Prada et un défilé Versace grâce à un positionnements très différent. C’est ce qui va permettre à Prada d’attirer une certaine clientèle et à Versace une autre. Je pense que c’est assez similaire dans la chocolaterie et dans la pâtisserie où nous avons tous des pattes très différentes et donc il faut réussir à la montrer et à la démontrer. Pour répondre à la question, s’émanciper et trouver ce que l’on a envie de transmettre, c’est le travail d’une vie !

– Vous parliez de la mode comme exemple, est-ce que vous vous voyez comme une créatrice ou comme une artisane ? 

J.G : Une artisane, c’est sûr ! Je trouve que le qualificatif d’artisan n’est pas assez employé et surtout pas assez valorisé. Nous ne faisons pas de l’art mais de l’artisanat. Et celui-ci suppose une forme de créativité. Quand je dis que nous ne faisons pas de l’art, c’est que pour ma part, l’art est la création d’une pièce unique dont l’objectif principal n’est pas la commercialisation. Dans l’artisanat, le but premier est la commercialisation même s’il y a également aussi une recherche esthétique. Mais ce n’est pas pour cela qu’on ne peut pas faire de l’artisanat de haute qualité, un artisanat créatif, un artisanat d’art !

« Comme dirait un de mes voisins prestigieux : le beau fait venir et le beau fait revenir »

Jade Genin

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 – La période de Pâques, moment important pour un chocolatier, vient de se terminer. Qu’est ce que celle-ci représente pour un chocolatier ? Peut-on parler de la création d’une collection comme dans la mode ? 

J.G : Bien sûr. Je ne sais pas si c’est le terme consacré, mais pour ma part, je l’emploie. Pour nous qui travaillons beaucoup la couleur, Pâques, c’est un moment de créativité et de bonheur. C’est un peu la fin de la saison du chocolat pour nous donc c’est une grande fête. Car sans vous mentir, l’été n’est pas le meilleur ami du chocolat (rires).

– En 2024, comment Jade Genin a-t-elle fait pour attirer les enfants ?

J.G : Il fallait quelque chose qui soit plaisant d’un point de vue graphique car la dégustation commence par le regard mais comme dans un restaurant gastronomique dans les restaurants gastronomiques, il faut aussi que cela soit gourmand. Autant, on a eu une gamme sur Pyramidion qui est une recherche d’association de saveurs un peu complexes comme par exemple un chocolat à la coriandre et au basilic. Autant sur Pâques, on était est vraiment sur des choses plus gourmandes donc praliné, noisette et croustillant.

– Des créations plus abordables pour le palais ?

J.G : Oui, c’est ça ou je dirais un plaisir un peu plus brut, un peu moins dans la recherche.

L’Artemis « Jade Genin » - Crédit photo : Malthusian Belt - Crédit photo : Malthusian Belt

– Lorsque l’on a un père chocolatier et que l’on a grandi dans cet univers, quel est le rapport que l’on créé avec le chocolat ?

J.G : Je pense que c’est un rapport à la matière et à la possibilité de création de couleurs. Comme dans de nombreux domaines, ce qui va être intéressant dans l’artisanat, c’est de créer avec de la contrainte…et notamment une contrainte de rentabilité. Dans mon cas, elle ne se fait pas au niveau des produits, mais à celui du timing. Un oeuf imposant, cela prend à peu près une heure et demie à réaliser mais on créé que quelques pièces. Pour les pyramidions, on en produit 5000 à 6000 par jour donc il faut que ça aille vite.

– Votre équipe se doit d’être hyper efficace ?

J.G : Oui dans l’artisanat, c’est obligatoire malheureusement ! Nous sommes limités par la rapidité humaine mais il faut être extrêmement rapide pour pouvoir être le plus efficace possible. Malgré cette pression du temps et le fait de ne pas avoir les journées passées, je ne me vois vraiment pas faire autre chose…surtout que j’ai fait autre chose !

« J'aspire plus à être une sorte de Schiaparelli en chocolat qu'un The Kooples  »

Jade Genin

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– Comment imaginez-vous le futur de votre métier ? Et de votre entreprise ?

J.G : C’est dur à dire ! Concernant l’évolution de mon métier, j’attends de voir comment ce que l’Intelligence Artificielle nous prépare. Nous ne sommes peut-être pas touchés directement mais je pense qu’on est au début de la technologie et donc je suis assez attentive à cela.

Mais si on reste dans le modèle actuel, je ne conçois pas d’avoir une chaîne de boutiques car cela n’irait pas avec le produit que l’on propose. J’aspire plus à être une sorte de Schiaparelli en chocolat qu’un The Kooples pour la comparaison dans la mode. On a beaucoup d’artisans, ce qui nécessite d’être présent, d’avoir le bon geste et ce n’est donc pas quelque chose que l’on peut avoir dans plusieurs points de vente. De plus, ce n’est pas ce dont j’ai envie donc cela tombe bien. Je vais reprendre la chocolaterie de mon père à sa retraite donc il faudra gérer cette combinaison de sociétés…ensuite, seul l’avenir nous le dira.

– Etes-vous attirée par les collaborations avec d’autres marques ?

J.G : Pourquoi pas, si cela rapporte aux deux marques ! On travaille avec pas mal de marques mais pas dans un système de collaboration « brandée » pour le moment. 

– Que pensez-vous de la force des réseaux sociaux pour votre métier ? Et que pensez-vous du fait d’incarner sa marque ?

J.G : Je ne saurais pas trop vous dire. Clairement, cela ne me dérange pas de l’incarner mais dans les faits, je ne passe pas beaucoup de temps dessus. Alors je fais quand même attention car c’est important d’avoir un Instagram approvisionné et sympathique mais ce n’est pas un axe de développement prioritaire.

Je préfère me concentrer sur la boutique et sur le fait que l’entreprise ait un bon écosystème. On est chef d’entreprise, on a une responsabilité humaine et il faut que les gens qui passent le pas de la porte soient heureux…en tant que clients ou collaborateurs. 

– Quelle serait pour vous votre ou vos Artemis ? A savoir les femmes qui vous inspirent. 

J.G : Si je devais citer deux des personnes que j’admire, je dirais Léa Salamé et Anna Wintour.

– Merci à toi Jade

J.G : Merci à toi Paul

Interview réalisée par Paul Diey 

L’Artemis « Jade Genin » - Crédit photo : Malthusian Belt - Crédit photo : Malthusian Belt

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