François Civil, 29 ans et déjà tout d’un grand. Il était récemment à l’affiche de Mon Inconnue d’Hugo Gélin, mais également du film Le chant du loup d’Anthony Baudry, salué par la critique, et de Deux moi, dernière réalisation à succès de Cédric Klapisch. Il est partout et ne compte pas s’arrêter. Nous avons rencontré celui pour qui le cinéma fut très vite un métier. Entre rêves secrets et quête de diversité, le jeune loup du cinéma français n’en est plus à son coup d’essai. Retour avec lui sur son parcours et ses envies.
François Civil, entre quête de diversité et rêves secrets
Rappelez-vous. Vous avez tous connu un François Civil. Vous l’aviez rencontré à l’école, au boulot, vous l’aviez croisé dans un bar ou chez une amie, et déjà, avant même d’avoir prononcé le moindre mot, à la faveur d’un regard qui en dit long, il avait gagné. Toute lutte aurait été vaine, toute bataille, perdue. Ce n’est pas une injustice d’on ne sait quel Seigneur, mais un concours de circonstance, un destin. Pourquoi ? Car l’alliance. L’alliance parfaite, la formule magique, le carré d’or, le bingo, le nombre Pi du cinéma. François Civil. Joueur mais pas perdant, jeune, charmant mais pas encombrant, naïf mais pas innocent, sombre et lumineux. Il est l’idéal des producteurs et le fantasme des réalisateurs. Tout ça non pas sans efforts, il est le gendre idéal, adoré des minettes et des intellos, des artistes et des ménagères. Vous n’aviez aucune chance. Et c’est cette nullité des chances qui a permis à François Civil son ascension. Aujourd’hui il continue de tracer son chemin en ne tenant compte que de ses intuitions, de son sens du bon goût mais surtout de ses envies.
Jusqu’où ira François Civil ? Portrait.
Veste smoking en velours kaki, chemise en coton imprimé et pantalon en laine : Corneliani – boots en cuir : In Corio – montre : Carl Edmond
Bonjour François Civil, en tournage en ce moment ?
F.C Ça ne tourne pas non ! Ça a tourné il n’y a pas longtemps mais en ce moment, non.
C’était quel tournage ?
F.C Un film de Cédric Jiménez avec Karim Leklou, Gilles Lellouche et Adèle Exarchopoulos. Ça s’appelle Bac Nord, ça se passe à Marseille.
Comment c’était ?
F.C Génial. C’est toujours délicat de parler d’un film quand il est toujours en processus de création, parce que du coup le montage ne va pas tarder à commencer là. Mais le tournage était très heureux.
La promo de « Deux moi » est terminé, comment on se sent ?
F.C C’est fini ! La promotion elle est au plus intense deux semaines avant la sortie du film, donc à l’instant où le film sort généralement, on coupe le cordon. J’ai tendance à pas mal couper justement une fois qu’un film sort. Pour « Deux moi », le film rencontre un joli succès en salle, il me semble que là on est à plus de 630 000 entrées si mes chiffres sont bons, donc je continue à recevoir des messages tous les jours de gens qui sortent de la salle et que ça a touché. Que ce soit Anna Girardot, Cédric Klapisch ou moi-même, on s’envoie ces messages quand ils sont intéressants justement ! C’est super touchant. Pour moi, c’est un an de ma vie consacré à ce rôle, à ce projet, à bosser avec eux. Alors de voir qu’on n’a pas fait ça dans le vent, c’est plutôt cool.
Vous parlez d’avoir consacré un an de votre vie à ce rôle. C’est comme ça pour tous les personnages ou bien c’est un « exercice à la Klapisch » ?
F.C C’est vrai que dans ces cinq dernières années j’ai eu la chance de beaucoup travailler, donc c’est vraiment un style de vie qui me fragmente, qui me rythme. Quand je ne tourne pas, je m’ennuie ! J’essaye de remplir le temps avec diverses activités, mais ma vie est marquée par les différents tournages oui. Donc en effet j’ai beaucoup de souvenirs, et puis ce sont des moments humains tellement forts quand ça se passe bien… enfin même quand ça ne se passe pas bien d’ailleurs ! Mais qui sont des espèces de petits accélérateurs de particules. C’est en tournage que je me sens le mieux, en tournage ou en voyage.
C’est vrai que vous avez beaucoup tourné depuis quelques années, plusieurs films par an, quelles sont les conditions pour dire oui ou non à un projet justement ?
F.C Il y en a plusieurs. La première c’est l’histoire. Des fois, on m’envoie un scénario avec une proposition directe où on m’imagine dans le rôle, parfois on me fait juste lire pour me demander mon avis, d’autres fois c’est pour passer des essais… Mais dans un premier temps c’est l’histoire, le personnage, le scénario. Ensuite quand c’est Cédric Klapisch qui m’appelle, c’est fou. Il a une filmographie tellement conséquente et qui m’a accompagné toute ma jeunesse que je suis fan du gars ! Donc d’un coup c’est un argument en plus. Et c’est vrai que j’aime parfois aussi avoir des acteurs qui sont attachés au projet. En l’occurrence j’avais beaucoup aimé La French de Cédric Jiménez, donc j’étais content de travailler avec lui, j’avais beaucoup aimé le scénario, et de savoir qu’il y avait Gilles Lellouche, Karim Leklou et Adèle Exarchopoulos dans le projet c’est un attrait en plus parce que c’est des gens avec qui je n’avais jamais travaillé et avec qui j’avais envie de travailler.
Ça vous arrive de regretter des projets que vous avez refusés ?
F.C Honnêtement, non. Non parce que je suis hyper heureux avec les projets que je fais. Pour le coup je crois à une sorte de destin. Je relativise beaucoup sur les regrets ou les échecs. Dans ce métier, on dit que quand un jeune comédien est pris à un casting sur dix, on considère qu’il marche fort. Neuf non pour un oui. Et ça c’est ceux pour qui ça se passe le mieux. Donc les films que je ne fais pas c’est des films que je ne devais pas faire. Vu que je prends mes décisions de manière assez organique, ce ne sont jamais des choix qui sont intéressés par autre chose que mon envie de faire le film, si le film est génial derrière et que je ne suis pas dedans c’est qu’il aurait sûrement était moins bien si j’avais été là. Pour en revenir à Cédric Klapisch, ce que je trouve intéressant avec lui c’est sa manière, au bon sens du terme, de consumer et d’étirer ses muses masculines comme il avait pu le faire avec Romain Duris.
Pour vous c’est le deuxième film sous sa direction. Ça peut durer longtemps à votre avis ? Il n’y a pas de date de péremption ?
F.C (Rires) Je ne sais pas comment ça marche ! Je ne sais pas s’il y a un business plan pour lui dans la façon de faire travailler ses acteurs, mais ce que je salue c’est sa fidélité. Il a fait sept films je crois avec Romain Duris. Deux avec moi pour l’instant, et aussi la série Dix pour cent. Si jamais je peux arriver à sept films ce serait génial parce que c’est une de mes admirations au cinéma et en plus un bonhomme que j’admire dans la vie. Je ne sais pas où ça nous mènera mais je suis fier d’avoir fait ces trois projets avec lui. Je ne sais pas s’il y a une date de péremption. Peut-être qu’avec Romain Duris il y a des projets qui sont dans les tuyaux et que Romain reviendra dans son cinéma. Mais je me sens déjà très chanceux comme ça. Après le premier film qu’on a fait ensemble, je lui ai dit qu’il pouvait m’appeler pour n’importe quoi, un court métrage ou une publicité, je serais ravi de le faire avec lui. Il m’a appelé pour un rôle principal, c’était une autrement meilleure nouvelle !
Avec Deux moi, mais aussi avec Mon inconnue d’Hugo Gélin, vous renouez avec un genre, la comédie romantique d’auteur, qui était assez éteint depuis quelques années en France. En deux films, vous vous êtes démarqué dans ce cinéma-là. C’est un cinéma qui vous touche ?
F.C Je trouve les films très différents. A la fois dans ce qu’ils racontent, dans leurs genres et leurs ambitions. Mon Inconnue est clairement une comédie romantique, au sens noble du terme, avec les codes qu’on lui connait, à la sauce Hugo Gélin. Et Deux moi c’est presque l’inverse, une anti-comédie romantique. Ça a été assez dit en promotion d’ailleurs parce que les gens aiment bien savoir ce qu’ils vont voir, alors quand on dit « comédie romantique » c’est peut-être plus vendeur. Dans ce genre de cinéma, c’est souvent un mec qui poursuit une fille, ou l’inverse, et ils établissent ensemble une relation. Ce qui n’est pas du tout le cas dans Deux moi. Il s’agit de deux portraits qui soulèvent les questions de la rencontre potentielle. Il n’y a aucune scène amoureuse. Les personnages ne sont pas abordés de la même façon. En tant que spectateur, je suis sensible à tout genre de cinéma. C’est vrai que j’aime les films qui parlent d’amour et qui en parlent bien. C’est un sujet inépuisable ! La rupture, les rencontres, l’histoire d’amour… C’est un puit d’idées. Mais par contre en tant qu’acteur j’ai l’impression que je suis plus dans une quête de diversité avec des personnages extrêmement différents. L’étiquette de la comédie romantique, sur moi, je n’arrive pas à la voir en tout cas.
On parle beaucoup de vous aujourd’hui. Il suffit de taper votre nom dans un moteur de recherche et on trouve des titres hallucinants : « Le nouveau visage du cinéma français », « L’étoile montante », « Le triomphe »… Vous en pensez quoi de tout ça ?
F.C Je ne suis pas imperméable, mais déjà, je ne lis pas trop les commentaires et les articles. Désolé si ça vous vexe d’ailleurs mais je ne lirai sûrement pas l’interview qu’on est en train de faire (rires) ! J’ai l’impression de ne pas me reconnaitre. Et j’ai aussi l’impression que les gens épinglent un petit peu ce qu’ils veulent sur les autres. On a dit de plein de gens qu’ils étaient les nouveaux visages de la musique, du cinéma, du théâtre… Et pour plein de gens ça ne s’est pas passé comme ça. Donc j’essaye de ne pas y prêter attention et surtout de bosser. J’ai commencé à travailler quand j’avais quinze ans et je n’ai pas arrêté depuis, c’est la moitié de ma vie, et ces titres de journaux ne sortent que maintenant ! Donc « Le nouveau visage du cinéma français » qui sort maintenant, étant donné que j’ai commencé il y a quinze ans, je le prends sans ironie parce que je comprends bien que là il y a eu plein de films qui se sont accumulés, mais par contre de mon côté j’ai l’impression de faire le même boulot depuis quinze ans.
Et après quinze années justement, vous avez des aspirations particulières pour le futur ? Des fantasmes ?
F.C J’aime me laisser surprendre par les scénarios que je lis. J’ai eu la chance d’avoir beaucoup de diversités et de transversalité dans ces films. J’essaye de ne pas appartenir à une chapelle d’acteurs. En France on a tendance à enfermer les gens dans des cases, les cinéastes aussi d’ailleurs. Todd Phillips qui a réalisé Joker avait quand même fait Very Bad Trip avant ! Et là il donne une leçon de réalisation à tout le monde. Je trouve ça génial. Et Adam McKay qui a fait Vice, moi j’étais fan de lui depuis l’époque Ant-man qui est totalement différent ! J’aime voir éclore dans d’autres genres des cinéastes et des acteurs que j’avais aimé voir dans un premier genre. Après j’ai des envies secrètes, mais ça je ne vais pas les sortir comme ça !
On connait votre passion pour la photographie donc la rhétorique est plutôt logique. Vous seriez intéressé par créer de l’image ? Passer derrière la caméra et raconter vos propres histoires ?
F.C Voilà on parle de mes rêves cachés ! Oui j’adorerais mettre en scène. En photo ce n’est pas tout à fait le même processus car on crée de l’image en fonction du réel, il y a un côté plus documentaire, en tout cas dans mon approche de la photographie. Mais oui, j’ai très envie de mettre en scène. Quand j’avais un groupe de musique il y a quelques années j’essayais déjà de réaliser des petits clips. Ça m’a toujours titillé. Mais ce que j’ai appris en rencontrant et en travaillant avec les réalisateurs, c’est qu’il faut avoir une histoire dont on est complètement imprégné et amoureux pour pouvoir la porter de A à Z. Quand on est acteur, le tournage peut prendre jusqu’à un an de notre vie, quand on réalise et qu’on écrit, c’est encore une autre histoire, c’est beaucoup plus long.
Il y a des rôles, des personnages, que tu rêverais secrètement d’incarner ?
F.C Ça je le garde dans mon intimité ! C’est ma popote ! On verra si ça arrive ou pas.
J’avais lu une phrase de vous ?
F.C Qu’est-ce que j’ai dit comme connerie encore ? !
Aucune ! Vous aviez dit que « La salle de cinéma est un temple ». Quand vous dîtes cela, j’ai envie de vous demander ce que vous pensez de la place que prennent les plateformes de streaming dans le cinéma. Et vous pourriez accepter un projet de ce type ?
F.C Oui. Je suis ouvert à tous les médias. Je suis moi-même un consommateur de Netflix par exemple donc oui. C’est juste que je trouve qu’il y a des grands films de cinéma qu’il est nécessaire de voir en salle. C’est quand même une expérience commune. C’est rare d’avoir encore en France un endroit où des inconnus passent deux heures de leur temps assis à côté des autres. Il faut essayer de préserver ça à tout prix. Mais ça n’empêche pas de binger des séries en flux tendu en parallèle ! Là par exemple j’ai vu Ad Astra de James Gray au cinéma et je pense que je ne l’aurais pas du tout apprécié à sa juste valeur sur un petit écran et avec un son approximatif. Le mec tourne en 35mm en pellicule, ce n’est pas pour se retrouver sur un Ipad quoi !
Photographe : Thomas Laisné
Styliste : Aurore Donguy
Marques :
AMI ALEXANDRE MATTIUSSI : veste deux boutons en chevron, chemise oversized en coton, pantalon en laine, mocassins en cuir vernis
CORNELIANI : veste smoking en velours kaki, chemise en coton imprimé et pantalon en laine
IN CORIO : boots en cuir
CARL EDMOND : montre
VALENTINO : costume en laine et chemise en coton
DE FURSAC : costume en velours côtelé
MAISON MONTAGUT : polo en maille
CERRUTI : pull et pantalon en laine
GEOX : baskets en cuir
SANDRO : blouson teddy, pantalon droit en velours
LEVI’S : t-shirt en coton
MR PIEDECOQ : chaussettes
FREDERIQUE CONSTANT : montre