Dans la tête de l’Apollo « Franck Annese »

Medias Interview

Dans la tête de l’Apollo « Franck Annese »

Apollo était le Dieu grec des Arts, du chant, de la musique, de la beauté masculine, de la poésie et de la lumière. Ainsi quoi de mieux qu'interroger les artistes français pour savoir s'ils possèdent certains attributs d'Apollo.

Notre Apollo du jour a 45 ans, a toujours été un élève brillant, fonctionne à l’affect, est d’une fidélité à toute épreuve envers le genre humain ou encore le FC Nantes, est admiratif des gens cultivés, s’impose comme un patron de presse à succès dans le print mais également dans le digital, nous reçoit un samedi après-midi en toute décontraction dans son salon rempli d’instruments de musique et enfin a pour couvre-chef, sa célèbre casquette. Son nom est : FRANCK ANNESE, IL EST LE PATRON DU GROUPE SO PRESS ET NOUS AVONS DECIDE DE FOUILLER DANS SA TÊTE !

– Tout d’abord, te souviens-tu de ce qu’il y avait dans la tête du petit Franck Annese vers 10 ans ?

Franck Annese : À cet âge-là, je ne pensais qu’à jouer au football et à traîner avec les copains ! J’habitais à Bourgbarré, un petit village situé près de Rennes, et avec mes potes, on passait notre temps à jouer au foot, on rêvait tous d’être footballeurs professionnels. J’allais à l’école en maillot, short et chaussures de foot, c’était absurde : les crampons sur le bitume, c’était n’importe quoi (rires). J’étais fan du FC Nantes et n’importe quelle info liée au club pouvait m’occuper l’esprit pendant une semaine. Burruchaga avec son numéro 7, mon chiffre préféré, était mon héros. J’ai cru pouvoir devenir pro jusqu’à 16 ans. Et puis, tu vois tes potes qui y arrivent et tu te rends compte que t’es trop irrégulier, que t’as pas le mental ou que ton physique est un peu trop chétif…

– Étais-tu plus proche de ta maman, coiffeuse, qui s’occupait souvent de ta tête ou alors de ton papa, travaillant dans un émetteur TDF, qui permettait à de nombreuses personnes de se vider ou de se remplir la tête ?

F.A : J’avais entre zéro et trois ans quand mon père travaillait dans l’émetteur donc à part le fait que l’on habitait en pleine forêt, je n’ai aucun souvenir. Après, mon père a vite grimpé les échelons et est devenu ingénieur, on déménageait très souvent, à chaque promotion… j’ai visité la France… Quant à ma mère, je ne l’ai pas connue coiffeuse car elle a arrêté de bosser à ma naissance. Elle a décidé de s’occuper à plein temps de ses enfants, ce qui était un sacré taf. Mais c’est toujours elle qui me coupe les cheveux. Je n’ai confiance qu’en elle pour ça.

Pour revenir à mon lien avec mes parents, j’étais très proche des deux. Mon père m’emmenait au foot avec mon petit frère, il a même été notre entraîneur pendant un temps, il était hyper investi. Je tiens énormément de lui sur l’aspect fonceur et jusqu’au boutiste. Ma mère était très présente au quotidien. Pour l’anecdote, elle a même été démonstratrice pour Nintendo à une époque et, du coup, mon frère et moi, on passait notre temps à jouer aux jeux vidéo. J’ai la chance d’avoir eu une enfance très heureuse avec des parents très attentionnés.

– Est-ce que tu étais une tête à l’école ?

F.A : J’ai toujours beaucoup aimé l’école et j’étais toujours premier de ma classe. J’avais pas mal de facilités, j’étais bon en français, en maths, en philo, mais j’étais pas super bon en langues… Et ça n’a pas changé : là, j’essaie d’apprendre l’espagnol et je galère.

– Est-ce qu’à l’adolescence, tu avais tendance à n’en faire qu’à ta tête ?

F.A : J’ai toujours eu tendance à n’en faire qu’à ma tête en règle générale. Je ne pense pas que c’était trop contraignant pour mes parents. J’avais de bonnes notes, je n’étais pas chiant mais oui je faisais quelques conneries, j’aimais faire rire les copains, mais c’était jamais bien méchant. Ce qui est sûr, c’est que je n’ai jamais aimé que l’on me dise quoi faire !

– Les études de commerce à l’ESSEC et le contrat en alternance chez Ernst & Young, c’était plus pour avoir une tête bien faite ou une tête bien pleine ?

F.A : Il faut savoir que je me suis retrouvé en école de commerce par hasard ! J’étais très fort en maths au lycée, les profs disaient à mes parents qu’il fallait que je fasse Math Sup/Math Spé et ensuite Polytechnique. Forcément, mes parents se disaient : « ok ça a l’air super »…  Sauf que moi, je n’avais pas envie de faire des maths toute ma vie et encore moins de faire Polytechnique. Mon meilleur pote, Erwan, m’a alors convaincu de faire une prépa HEC pour intégrer une école de commerce. L’idée, c’était d’aller dans un internat mixte à Strasbourg. Vu que je n’avais aucun succès avec les filles, l’opportunité ne semblait pas idiote pour espérer avoir un jour une copine. Je suis donc parti là-bas, et j’ai effectivement eu ma première vraie petite amie, mais mon pote, lui, n’est pas venu ! Je garde un super souvenir de l’internat, je passais mon temps à jouer au foot et à faire de la musique, je foutais rien en classe en revanche… Et finalement, grâce à la philo, j’ai quand même décroché l’ESSEC mais c’était vraiment pas gagné.

Une fois à l’ESSEC, j’ai passé de très bons moments mais je n’étais pas super à l’aise avec les différences de classes sociales qui étaient très marquées… Et surtout les fêtes étudiantes avec le sempiternel « Lac du Connemara », je t’avoue que cela me donnait parfois envie de lancer une petite « grenade » dans le tas. Mais bon, ça reste des supers années avec beaucoup d’amis et très peu de cours ! L’Essec était super pour ça, ils me laissaient monter des associations, faire de la musique, j’ai pu lancer mon premier magazine, Sofa, etc. et je n’avais pas vraiment d’obligations d’aller en cours…

Concernant Ernst & Young, il s’avère que c’était pour financer mes années d’école à l’ESSEC. On avait la possibilité de faire de l’alternance et vu que c’était ce qui était le mieux payé pour un étudiant, j’ai postulé chez Ernst & Young où j’ai été pris. Je me suis retrouvé à faire un job que je n’aimais pas mais avec des gens que j’aimais bien. Je fonctionne beaucoup à l’affect et donc je reste souvent en contact avec les gens qui ont pu jalonner mon parcours que cela soit mes potes, mes anciennes petites copines, mes ex-collègues… Là encore, c’était une super expérience car non seulement j’ai pu payer mes études avec ce boulot mais aussi rencontrer des personnes qui ont été adorables avec moi alors que j’étais un très mauvais auditeur. Je suis plutôt à gauche, voire pas mal à gauche, donc le fait de bosser pour les actionnaires d’une boite, ça ne me mettait pas super à l’aise…

– Au fond, le journalisme, tu n’as toujours eu que cela en tête ?

F.A : Non ! Déjà, je n’ai pas fait d’école de journalisme donc j’ai toujours eu le syndrome de l’imposteur. Ensuite, je ne fais pas que du journalisme, je produis des pubs, je fais de la musique, et plein d’autres choses. Je n’ai pas l’impression d’appartenir à un milieu en particulier, ni celui du journalisme, ni celui de la pub, ni celui de la musique, du cinéma ou de l’humour, alors que je touche à tous ces métiers. Je déteste d’ailleurs la logique de “milieux”… Bon, le journalisme reste, malgré tout, mon métier de base, et un métier hyper important et beaucoup trop dévalorisé aujourd’hui.

– Culture, musique et le sport, cela a toujours été le trio de tête chez toi ?

F.A : Oui cela résume bien mes centres d’intérêt même si je ne me sens pas vraiment « cultivé ». Quand je vois les gens qui m’entourent, je les trouve parfois bien plus cultivés que moi. Par exemple, mon ex-femme avait une culture du cinéma et une culture classique bien plus importante que la mienne. Sans pour autant se la raconter d’ailleurs. Ma dernière petite amie, Nadège, a une culture littéraire bien supérieure à la mienne. Elle maîtrise des tas de domaines dans lesquels je ne connais vraiment rien du tout… Je suis très admiratif des gens qui savent des choses qui me sont inconnues et c’est souvent le point fondamental pour que je construise une relation amoureuse. J’ai besoin d’admirer la personne. De mon côté, j’ai quelques domaines d’expertise, mais ça se résume au rock indépendant des années 90, à un petit pan de la littérature américaine ou au hip-hop de petit blanc (rires), autant dire rien de bien crucial… On va dire que je suis le produit de mes origines, à savoir un petit gamin de province qui a grandi dans les années 90 dans une famille de classe moyenne.

– Sofa, So Foot, Society, So film, quel est ou quel a été le plus « So Prise de tête «  ?

F.A : Ahah, il va falloir faire du cas par cas ! Alors je mets de côté So Foot et Society car ce sont des magazines que j’ai montés et gérés avec Stéphane Régy et Marc Beaugé notamment. Ce sont des personnes avec qui j’ai une facilité de communication et de travail. J’ai une confiance presqu’aveugle dans leur jugement et leur façon de travailler… et respectivement. Ils sont brillants et donc avec eux, cela a toujours été simple et jamais prise de tête.

Sur Sofa, il y a eu beaucoup de prises de tête liées à l’angle même de traitement du magazine. C’était un magazine de critiques culturelles et cet exercice, par définition, est une prise de tête. On était une bande de jeunes de 20 ans qui donnaient son avis sur des films, des pièces de théâtre, des disques, des livres… Faut imaginer le degré de prétention hallucinant pour se prêter à ça. On passait donc notre temps à s’engueuler sur des œuvres et on n’était jamais d’accord. C’était une super aventure mais c’était épuisant.

Et puis So Film, prise de tête aussi quand même car c’était une co-édition. Et honnêtement, travailler avec moi comme co-éditeur, ce n’est pas facile. Soit je délègue, auquel cas je ne partage pas le pouvoir, je le laisse, soit j’ai le pouvoir et on va dans mon sens. Et avec Thierry, le fondateur de Capricci, qui était co-éditeur, on se prenait la tête tout le temps car on est différents. Du coup, aujourd’hui, je le laisse gérer So Film et je ne m’en occupe plus, c’est plus simple.

– Est-ce que parfois, la presse écrite, on en a par-dessus la tête ?

F.A : Oui bien sûr car ce n’est pas évident et que c’est un métier difficile. T’as l’impression d’être dans la sidérurgie des années 90 car tout le monde te rappelle tout le temps que « c’est la crise » et que « tu vas mourir ». Quand cela fait vingt ans que l’on te rabâche les mêmes choses, c’est un peu lourd. De notre côté, on avance et on verra bien. Le jour où cela ne marchera plus, on arrêtera et on passera à autre chose. Mais en soit, faire des magazines, c’est super excitant. Le print a encore un pouvoir d’influence et de prescription très fort et il y a encore une vraie noblesse de ce média, donc j’adore faire des magazines et j’aimerais en faire toute ma vie.

– Diriger autant de titres, est-ce que parfois on ne sait plus où donner de la tête ?

F.A : Disons que parfois, on est obligé de laisser la tête à d’autres ! Il faut en avoir conscience car on ne peut pas tout faire. De mon côté, j’ai mis du temps à apprendre ça, à déléguer. J’ai fini par laisser le pouvoir à des personnes dans lesquelles j’ai une absolue confiance. Aujourd’hui, je n’interviens pratiquement plus sur la plupart des magazines, à part au lancement ou lorsqu’il y a des problèmes ou sur les couvertures. Mon métier au quotidien c’est développer et gérer la boîte…

– Écrire des textes pour d’autres ou encore avoir un label musical, cela permet d’avoir la tête ailleurs ?

F.A : C’est mon côté boulimique. Et aussi le fait de ne pas pouvoir me concentrer sur un seul sujet… et, il ne faut pas se mentir, de ne pas savoir dire non ! Après, écrire des textes pour des amis comme Thomas Ngijol ou Antoine de Caunes, c’est un vrai plaisir. Je ne cherche pas à faire ce genre de trucs, ça passe toujours par des rencontres, et ça a toujours été les rencontres qui m’ont conduit à faire tout et, parfois, n’importe quoi…

– Faire du Brand Content ou de la publicité, c’est souvent à la tête du client ?

F.A : Oui, c’est à la tête du client car parfois on a le luxe de choisir ! J’essaie de bosser au maximum avec des gens que j’apprécie et sur des projets qui nous ressemblent. Avec de tels critères, on refuse forcément des choses.

-Est-ce qu’être le patron de So Press, cela donne la grosse tête ?

F.A : Non (rires) ! C’est très dur d’avoir la grosse tête chez So Press car tu te prends tellement de vannes au quotidien que s’il y a une tentative, tu redescends immédiatement. De manière générale chez So Press, les gens ne se la pètent pas… En même temps, on fait des canards, de la pub et de la musique, on ne sauve pas des vies, on reste une bande de personnes qui pensent encore avoir 17 ans et qui sont là pour s’amuser.

– Quelle est la personne avec laquelle tu préfères être en tête-à-tête ?

F.A : Nadège !

– À tête reposée, arrives-tu à faire un bilan de ta carrière professionnelle ?

F.A : Je dirais que pour l’instant c’est plutôt réussi… Bon, je suis jamais totalement satisfait, et personne dans cette boite, c’est un peu ce qui nous réunit, cette exigence, ça nous permet d’essayer toujours de faire mieux… Cela fait vingt ans que l’on fait nos trucs et que l’on arrive de plus en plus à en vivre donc je pense que l’on peut être un peu fier de nous.

– Pour conclure Franck, quelles sont les prochaines idées que tu as derrière la tête ?

F.A : J’ai plus des envies que des idées et assez souvent les projets qu’on lance sont rarement mes idées. La fiction va bientôt débarquer chez So Press car raconter des histoires en images s’impose comme une suite logique. Après, on va lancer un nouveau site digital qui va s’appeler « Dégaine », qui traitera de lifestyle et sport, et qui n’est pas mon idée. C’est Pierre Maturana qui est venu me voir et qui a réussi à me convaincre. Mon rôle, c’est plus d’arbitrer que d’initier. Si cela ne tenait qu’à moi, on ne lancerait plus de magazines car on en a déjà assez (rires) !

Interview réalisée et menée par Pic Della Mirandola

Crédit Photo : Just-Aurele Messonnier

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